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repos dût être un affaissement vide et silencieux. Robert, Gilbert et quatre ou cinq de leurs amis, auxquels quelques-uns s'adjoignirent encore, formèrent une sorte de club dans lequel on devait discuter des questions proposées et s'exercer à la parole. Cela en soi n'a rien d'éton- nant; c'est dans des réunions de ce genre que bien des jeunes éloquences ont donné leurs premiers coups d'ailes. Mais si l'on réfléchit au milieu, si l'on songe que les membres de cette conférence rustique étaient quelques jeunes paysans sans ressources , perdus dans un petit village que l'absence de communications enfonçait davantage dans la campagne, on comprendra qu'il y avait là une ardeur intellectuelle qu'il n'eût pas été facile de retrouver ailleurs *. Le premier président fut Burns. La première séance eut lieu le M novembre 1780. La première question discutée fut celle-ci :

Etant doniu' qu'un jeune homme élevé pour être fermier, mais sans aucune fortune, peut épouser (le deux femmes l'une: ou bien une fille de fortune, ni belle de sa personne, ni agréable de conversation, mais capable de diriger suffisamment les affaires domestiques d'une ferme ; ou bien une fille agréable de toutes façons, de personne, de conversation et de manières, mais sans fortune, laquelle des deux choisira-t-il ?

On peut reconnaître dans le choix de cette question une des préoccu- pations habituelles de Burns et imaginer la discussion et les déclama- tions éloquentes auxquelles elle donna lieu. Burns y prit une part active et le D' Currie retrouva dans ses papiers les notes d'un discours dans lequel il soutenait la seconde alternative. Il n'est peut-être pas sans intérêt de voir quel était le genre de questions débattues jjar ces jeunes laboureurs. En voici quelques-unes :

Retirons-nous plus de bontieur de l'amour ou de l'amitié ?

Doit-il exister quelque réserve entre des amis qui n'ont aucune raison de douter de l'amitié l'un de l'autre ?

Lequel est le plus heureux du sauvage ou du paysan d'une contrée civilisée ?

Un jeune homme des rangs inférieurs de la vie sera-il plus heureux s'il a reçu une bonne éducation et s'il a un esprit meublé de savoir; ou s'il a juste l'éducation et le savoir de ceux qui l'entourent ?

Les deux dernières questions dépassent le cercle des sentimentalités générales des deux premières. Elles ont la marque de leur époque ; elles arrivent jusqu'au bord de la discussion sociale à la façon du xviii* siècle ; on y sent comme une lointaine influence de Rousseau. Peut-être cependant, celle-ci n'était-elle pas indispensable pour que

1 X'oir sur ce curieux Club : Hules and Rcguhilion^ lo be observed in Ihe Bachdors' Club. Currie ; — et History of the Hige, Procecdings and Régulations of Ihe Bachetors' Club. R. Chambers, tome I.