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Un jour, à un dîner, au moment oii l'on propose la santé de Pitt, il se lève et demande la permission de boire à un plus grand et à un meilleur homme, le général Washington *. Une autre fois, il porte un toast « au dernier verset du dernier chapitre du dernier Livre des Rois » ^. En octobre 1792, au théâtre deDumfries, à la fin d'une représentation d'apparat, l'au- ditoire demande: «God save the king », et tous, selon la coutume anglaise, se tiennent debout et découverts. Au milieu de cette manifestation de loyauté, il reste assis, le chapeau sur la tête. Un grand tumulte s'ensuit ; on crie: « A la porte! » Il fut ou mis dehors ou forcé de retirer son cha- peau. On l'accusa même d'avoir demandé: « Çà ira ! » ^ 11 est probable qu'il était gris ce soir-là. Mais on comprend que cet incident fut, le lendemain, le sujet des conversations de toute la ville. Et ce ne sont là que quelques faits saillants sauvés et recueillis par hasard. Ses conversa- tions, ses toasts, lorsqu'il était animé par le vin, devaient être pleins de mots qu'on colportait avec une malveillance ou une admiration qui lui étaient également funestes.

Dans l'état d'exaspération politique où vivait toute la ville, cela devait mal finir. Cela finit en effet par une dénonciation au Conseil de l'Excise. « Quel([ue démon méchant a soule\é des soupçons sur mes principes politiques » dit-il dans une lettre à M'"'^ Dunlop, et un peu plus loin il parle « du chenapan qui peut de propos délibéré comploter la destruction d'un honnête homme qui ne l'a jamais offensé et, avec un ricanement de satisfaction, voir le malheureux, sa fidèle femme et ses enfants bégayants, livrés à la mendicité et à la ruine » ^. On ne sut jamais, bien entendu, l'auteur de cette dénonciation. Le Conseil de l'Excise prescrivit une enquête. Ce coup de tonnerre éclata sur Burns sans qu'il s'y attendît. Il se vit perdu et écrivit à M Graham, un des commissaires de l'Excise et un de ses meilleurs protecteurs, une lettre affolée de terreur. C'était au commencement de décembre 1792.

Monsieur, j'ai été surpris, confondu et éperdu lorsque M. Mitchell, le collecteur, m'a dit qu'il avait reçu l'ordre du Conseil de faire une enquête sur ma conduite poli- tique et m'a blâmé d'être une personne hostile au gouvernement.

Monsieur, vous êtes époux, et père. Vous savez ce que vous ressentiriez si vous deviez voir la fennne bien aimée de votre cœur, et vos pauvres petits, depoui vus, parlant à peine, jetés à l'abandon dans le monde, déchus, tombés d'une situation dans laquelle ils étaient respectables et respectés, laissés presque sans le soutien nécessaire d'une misérable existence. Hélas, Monsieur, dois-je croire que ce sera bientôt mon sort? et cela à cause des maudites et noires insinuations de l'infernale et injuste Envie. Je crois, Monsieur, pouvoir affirmer, sous le regard de l'Omniscience,

1 Lockhart. Life of Burns, p. 225.

2 R. Chambers, tom III, p. 268.

3 Scott Douglas, tom VI, p. 49.

  • To Mrs Dunlop, 5tli Jan. 11Q2.