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vince et dans la campagne? « Un gentilhomme campagnard, avec n'importe quel autre principe que le dévouement à Henry Dundas, était regardé comme une merveille ou plutôt une monstruosité ^ » C'était aussi la croyance de presque tous les marchands, tous les employés amovibles, toutes les corporations publiques. Les conservateurs exerçaient un odieux despotisme social, et les hommes marqués de libéralisme, trop peu nombreux pour former une société entre eux, et trop humbles pour opposer l'autorité d'un nom, vivaient sous le coup d'une véritable excom- munication. Lord Cockburn a dit avec raison :

" Les choses étaient assez mauvaises dans la capitale, mais bien plus terribles dans les petites localités qui étaient exposées sans ressource à la persécufion. Si Dugald Stewart fut, pendant plusieurs années, reru sans cordialité, dans nue \ille dont il était l'ornement, quelle dut être la position d'un liomnie ordinaire qui professait des opinions libérales, dans la campagne ou dans une j)elite ville, exposé à tous les opprobres et à tous les obstacles que l'iDsoleiice locale pouvait imaginer, et privé probablement du soutien d'amis partageant ses pensées? 11 y avait partout des hommes de ce genre, mais ils étaient tous de position humble. Leur mérite était grand, par conséquent. Sous l'insulte, la froideur, la malveillance, des pertes personnelles constantes, ils restèrent fidèles à ce qu'Us croyaient juste durant maintes sombres années 2. »

Et qu'on ne croie pas que ce soit là un des aspects de la situation, coloré et assombri par le ressentiment d'un de ceux qui en souffrirent et aidèrent à la détruire, Lockhart était conservateur, peut-être plus encore que Lord Cockburn n'était libéral, et il parle de l'épouvantable animosité de la vie quotidienne, dans des termes qui conservent plus encore l'horreur de ce temps de malveillance et de désaccord.

« Des scènes, plus pénibles à l'époque et plus pénibles dans le souvenir qui nous en reste que celles qui avaient, pendant des générations, affligé l'Ecosse, furent le résultat de la violence et de la fermentation des sentiments de parti, des deux côtés. De^ieux et cliers liens d'amitié furent lompus, et la société fut, pendant un moment, ébranlée jusqu'à son centre. Dans les rêves les plus extravagants des Jacobites, il y avait beaucoup à respecter: un liant dévouement chevaleresque, le respect des \ieilles affections, la loyauté héréditaire, une générosité romanesque. Dans cette nouvelle sorte d'hostilité, tout semblait vil autant que périlleux ; elle excitait le mépris encore plus que la haine. Le nom seul suffisait a salir ce qui en approchait ; des hommes qui s'étaient connus et aimés depuis l'enfance, se tenaient à distance, et cette influence se glissait entre eux comme si c'avait été quelque hideuse pestilence 3. »

Il n'y a rien d'exagéré dans ces mots. Ils sont même instructifs parce qu'il y perce un écho de l'ancienne haine tory, qui laisse deviner ce qu'avait dû être le langage d'autrefois.

1 Lord Cockburn. Memorials, p. *t5.

2 Lord Cockburn. Memorials, p. 90.

3 Lockhart. Life of Burns, p. 223.