Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/490

Cette page n’a pas encore été corrigée

- 479 -

pour im souvenir dont il aurait convenu de parler avec plus de réserve. [1 pouvait du moins se taire. C'était la fin, on dirait presque la lie, de cet amour daus cette âme troublée.

Dans un des deux cœurs, heureusement, les beaux rêves d'autrefois se gardèrent respectés et inviolables. Clarinda survécut à Burns près d'un demi-siècle; elle mourut en 1841. Sa nature calme et saine reprit son équilibre ; elle devint une vieille femme aimable et réconciliée avec la vie. On a d'elle un léger crayon qui la représente à l'âge de quatre-vingts ans, dans son salon oii était suspendu un portrait du poète, toujours souriante et accueillant avec affabilité ses visiteurs. Elle demeura fidèle au souvenir de celui qu'elle avait aimée. Vingt ans après la mort de Burns elle écrivait dans son journal : « 25 janvier 1815. Jour de naissance de Burns. Un grand banquet chez Oman. J'aimerais être là, invisible, pour entendre tout ce qu'on dira de ce grand génie * ». Et (juarante ans après la semaine des adieux, quand elle était tout à l'extrémité de la vie, elle écrivait encore: «6 décembre 1831. Je ne pourrai jamais oublier ce jour-ci. Séparée de Burns eu l'année 1791, pour ne jamais nous retrouver dans ce monde. Oh! puissions-nous nous retrouver dans le ciel ^ ». 11 y a quelfjue chose de touchant dans ce souhait constant après tant d'années. Clarinda resta jusqu'au bout supérieure a Burns. Elle vivra parmi celles qui furent aimées par les poètes : non point parmi les cruelles el les décevantes qui les torturèrent, ni non plus parmi les sacrifiées qui languirent et moururent de leur chagrin ; nmis — et c'est là son originalité — comme une vaillante femme qui souffrit et sut vivre.

IL

OPINIONS POLITIQUES, TRACAS.

C'est à Dumfries que Burns se trouva, pour la première fois, mêlé aux agitations de la politique. Jusque-là il avait vécu daus son isolement campagnard ; l'écho des événements arrivait à lui comme ces roulements de tonnerre affaiblis, qui révèlent de très lointains orages. Il avait, dans ses vers et par quelques-uns de ses actes, fait preuve de Jacobilisme. Mais c'était là un sentiment romanesque, presque historique, qui ne tirait pas à conséquence et ne portait sur aucun intérêt présent. Il arriva dans les villes au moment oii le puissant émoi de la Révolution Française agitait tous les esprits et excitait de toutes parts des enthousiasmes ou des colères. L'ébranlement du cataclysme gigantesque soulevait, en tous pays, des désirs, des projets, des tentatives de réforme ou de révolution ;

1 Memoir of Afs Mac Lehose, p. 53.