Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/472

Cette page n’a pas encore été corrigée

- 461 —

Sa femme l'observait de loin : il gesticulait, il semblait se murmurer des paroles, il était pris par instants d'accès de fou rire ^ Il rentra le soir avec son étonnant poème, mais en réalité il venait de revivre une de ses journées d'Ayrshire : le sujet, les personnages, le paysage, tout était de là-bas.

C'est qu'eu réalité la terre d'Ellisland n'a jamais complètement pris Burns. 11 n'a rien tiré d'elle directement : ni le paysage d'alentour, ni la vie rurale de cet endroit ne lui ont rien inspiré de bien considérable, de bien savoureux. Elle lui a été utile parce qu'elle l'a remis eu face de la nature et dans son élément de production. Mais ce qu'il y a produit de plus fort était le fruit du terroir natal : Tarn de Shanter est un moment de Mossgiel transplanté. Ellisland a donné à sa poésie un regain d'acti- vité, elle ne lui a pas fait porter ses propres dons. Il ressemblait à un arbre dont la sève est déjà condensée en boutons et en fleurs, déjà nouée en fruits ; un nouveau sol lui fournit ce qu'il faut de nourriture et d'air pour faire sortir ces fruits cachés; mais ils viennent de là-bas, ils ont la saveur du sol ancien.

V,

LE DÉPART DE LA FERME.

Cependant il était depuis longtemps évident aux yeux de Burns qu'il était urgent de se débarrasser de cette ferme malheureuse. Dès le mois de septembre 1790, il écrivait qu'il voulait en sortir à tout prix :

Je vais ou renoncer à ma ferme ou la sous-louer, le plus vite possible. Je n'ai pas le droit de la sous-louer ; mais si mon propriétaire consent à me l'accorder, j'ai l'intention de la céder, aux termes où je la tiens moi-même, à un homme courageux, un de mes proches parents. Le fermage, dans le pays où je suis, serait juste un moyen de gagner sa vie pour un homme qui trimerait lui et sa famille ; ce n'est donc pas la peine. Et vivre ici m'empêche d'acquérir ces connaissances dans l'Excise qu'il est absolument nécessaire pour moi de posséder 2.

Par bonheur il put s'entendre avec son propriétaire, M. Miller. En effet celui-ci trouva un acquéreur qui lui offrit 2000 livres pour ces terres dont Burns avait peine à retirer ses 70 livres de loyer '^. Il fut décidé qu'il ne ferait pas la moisson des semailles de 1791. Le personnel de la ferme fut renvoyé. Jane Armour s'en alla avec ses enfants passer en Ayrshire, peut-être à Mossgiel, peut-être chez son père, une partie de

1 Lockhart. Life of Burns, p. 208.'

2 To Robert Graham of Fintry, 4Lli Sept. 1790.

3 R. Chambers, tom III, p. 201. — Scott Douglas, tom V, p. 405,