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Lors de la dissolution de cette petite société, qui s'était formée sous le patronage de M' Riddell, soit par les dons de livres qu'on avait reçus de lui, soit pai" les achats, on avait rassemblé plus de 150 volumes. On pense bien qu'on avait acheté pas mal de choses sans valeur. Cependant parmi les livres de cette petite bibliothèque se trou- vaient : Les Sermons de Blair, l'Histoire d'Ecosse de Robertson, l'Histoire des Stuarts de Hume, Le Spectateur, L'Oisif, L'Aventurier, Le Miroir, Le Flâneur, L'Observateur, L'Homme sensible, L'Homme du Monde, Chrysal, Don Quichotte, Joseph Andrews, etc. Un paysan qui peut lire et goûter de pareils livres est certainement un être au-dessus de son voisin qui chemine à côté de son attelage, très peu différent, si ce n'est pour la forme, des brutes qu'il conduit.

Souhaitant à vos efforts patriotiques le succès qu'ils méritent si bien, je suis, Monsieur, votre humble serviteur.

Un Paysan. 1

La portée d'intelligence dont cette lettre fait preuve n'est pas ce (jui nous intéresse le plus en ce moment. Ce qu'il importe de retenir c'est qu'elle représente trois années d'actes louables, d'activité, d'assi- duité, de surveillance, en un mot de dévoûment, mis au service d'une œuvre qu'il estimait utile. Elle lui lait honneur aussi à cause de sa simplicité et de sa modestie. Qui imaginerait que l'anonyme qui parlait ainsi du mérite des autres était celui qui avait le plus contribué de son temps et de ses démarches à établir ce fragment de progrès ?

Enfin, il y avait en lui de grandes ressources de bienveillance pour tous, un désir sincère et sans cesse en émoi que le malheur dont est pétrie la condition humaine diminuât, un état toujours ardent de souhait qu'un peu plus de bonheur lût répandu.

« Dieu sait que je ne suis pas un saint ; j'ai une armée de folies et do péchés dont j'aurai à répondre ; mais si je pouvais (et je crois que je le fais autant que je le peux), je voudrais « essuyer les larmes sur tous les yeux ». Même les gredins qui m'ont fait tort, je voudrais les obliger; quoique, pour dire la vérité, ce serait plutôt par vengeance, pour leur montrer que je suis indépendant d'eux et au-dessus d'eux, plus que par un trop plein de bienveillance 2. »

Sans doute, ces sentiments n'ont rien d'extraordinaire. Tout homme les éprouve ; ils sont le pain quotidien de la vie. Mais ce pain est fait ici d'un froment riche et savoureux. Sans doute encore, ces actions n'ont rien d'héroïque; elles sont de bonne hunuinité courante. Mais elles ont ici une énergie et une chaleur singulières, une force de contagion. Il est indéniable que tout cela constitue les éléments d'une brave vie, respirant la droiture, animée de cordialité, accomplissant toutes ses fonctions fami- liales ou sociales, avec une franchise d'attaque et un bon vouloir constants. Et il convient de ne pas oublier que quelques passages de lettres ne sont que des révélations éparses et accidentelles d'un long déroulement.

1 To Sir John Sinclair, HOl.

2 To Peter Hill, 2nd March nao.