Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/442

Cette page n’a pas encore été corrigée

- 431 —

nous rendre un peu de notre ancien nous-niême ; ce que nous étions continue à vivre en eux. C'est ainsi que les malades prennent douceur à contempler, par les fenêtres, les paysages lointains qu'ils ont parcourus. Il faut songer à ces altérations intérieures pour comprendre une lettre de Burns à Clarinda écrite à cette époque. Si on la compare à celle qu'il lui écrivait sur le même sujet, juste un an auparavant, on est étonné du changement de ton. Ce n'est plus la défense cassante, impatiente et irritée, la justification presque impérieuse de sa conduite. Celle-ci est douce, soumise, presque humble et contrite. Il y confesse qu'il a eu tort ; il laisse entendre qu'il s'enrepent, et ces aveux, qui tiennent du remords et du regret, ont quelque chose qui demande le pardon. Cette lettre fut en effet un pas vers la réconciliation des deux amants.

J'ai été en réalité malade, Madame, pendant tout l'ln\ er. Un mal de tête incessant, un abattement, toutes les conséquences véiilablement misérables d'un système nerveux détraqué, ont fait un terrible carnage de ma santé et de ma paix. Ajoutez à tout cela qu'une carrière nouvelle, dans laquelle je suis récemment entré, m'oblige à faire à cheval, en moyenne, deux cents milles par semaine. Cependant, grâce au ciel, je suis maintenant en meilleure santé.

Il mêlait impossible de répondre à votre avant-dernière lettre. Quand vous dites à un homme que vous considérez ses lettres avec un sourire de mépris, dans qiiel langage. Madame, peut-il vous répondre? Quand bien même j'aurais conscience d'avoir eu tort — et j'ai conscience d'avoir eu tort — cependant je ne pouvais accepter d'être amené au lepentir par des insultes.

Je ne puis pas, je ne veux pas plaider les circonstances atténuantes ; je pourrais vous montrer comment ma conduite imprudente, fougueuse, irréfléchie, s'est jointe à une conjoncture d'événements malheureux, pour me jeter hors de la possibilité de garder le sentier de la rectitude, pour m'aflliger dune guerre irréconciliable entre mon devoir et mes souhaits les plus chers, et pour me condamner à n'avoir de choix qu'entre ditïéi-entes espèces d'erreur et de culpabilité.

Je n'ose pas m'abandonner plus longtemps à ce sujet *.

N'est-il pas clair que l'àme orgueilleuse de Burns devait être bien abattue pour être devenue si soumise ? Son amour-propre , si fou à s'enflanmier, était presque mort en lui. Qui n'a pas vu des hommes indomptables, réduits par la faiblesse, s'attendrir et devenir doucement implorants, ne sentira pas combien cette lettre est touchante et que de tristesse elle révèle. Chose singulière, il joignait à cette lettre la pièce qu'il avait couiposée sur Mary Campbell. Il n'est pas jusqu'à ce souvenir de Mary qui ne raconte aussi ces retours vers le passé d'une âme qui a pris le présent en dégoût.

Au commencement de l'année 1791, apparaît dans ses lettres une poussée d'amertume plus âpre que jamais. Tantôt ce sont des traces de dissatisfaction contre lui-même.

1 To 3/« Mac Lehose. Feb. n90.