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MÏSÈRE, TRISTESSE, FAUTES.

Naturellement la gène arrivait. 11 y avait quelque temps qu'elle rôdait autour de la maison. De sa main décharnée elle ouvrit la porte et entra. Hélas! elle ne devait plus ressortir. Déjà au commencement de l'année, il disait à un de ses amis, pour s'excuser de lui écrire sur du papier grossier : « Quand je serai plus riche, je vous écrirai sur du papier à tranches dorées, pour racheter cette feuille-ci. Pour le inoment chaque gainée doit faire la besogne de cinq chez votre fidèle , pauvre , mais honnête ami ^ » Maintenant les embarras d'argent devenaient plus fréquents, plus pressants. Alors commence cette sourde lutte, la lutte quo- tidienne, incessante, odieuse, qui use l'esprit par des préoccupations, des exaspérations sans trêve ; les discussions avec les besoins, les marchan- dages pied à pied avec chaque dépense, les débats avec les nécessités journalières auxquelles il faut faire prendre patience, les emportements contre les nécessités brutales qui se montrent au dépourvu, une attention énervante à déjouer la fuite sournoise de l'argent, les agacements à propos des petites privations, les colères contre les grosses, la niaussa- deriedes semaines besoigneuses, l'attente fiévreuse du jour de traitement, la contrainte, l'irritabilité d'une parcimonie constante, toutes les difficultés, les humeurs, les acrimonies que la pauvreté apporte dans son maigre giron. S'il y avait un homme à qui ces tiraillements dussent être intolé- rables, c'était à Burns. Il s'y ronge et s'y dévore.

.le pourrais vous écrire à propos de fermage, de couslruclioDS, de luarcliés, mais mon pauvre esprit perdu est si déchiré, si liarassé, si torturé, si excédé, par celte tàctie des superiativement damnés de faire faire a une guinée l'ouvrage de Irois, que je déteste, que j'abliorre le seul mot « d'affaires ». 11 me donne des attaques de nerfs ^.

Parfois l'humiliation plus lourde d'une dette le met dans un état terrible. Il s'exaspère, il s'emporte et exhale sa fureur en imprécations qui s'en prennent à l'ordre social.

Prenez ces trois guinées-ci et mettez-les en face de ce nuuuiit compte que j'ai chez vous, et qui, depuis cinq ou six mois, me bâillonne la bouche. 11 m'est aussi difficile décrire un chef-d'œuvre que d'écrii-e des excuses à un homme à qui je dois de l'argent. la suprême malédiction de forcer trois guinées à faire l'oftice de cinq ! Non ! tous les travaux d'Hercule, non ! les trois siècles de servitude des Hébreux en Egypte, n'étaient pas une chose aussi insurmontable, une tâche aussi infernale.

Pauvreté I toi demi-sœur de la Mort, toi cousine germaine de l'Enfer ! Où trouverai-

1 To Peter HilL 2Qd April 1789.

2 To Provosl Maxwell, 20th Dec. 1789.