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nos officiers des eaux et forêts, exposer les circonstances des cas jugés, insister pour ou contre.

« La très bonne lettre que vous m'avez fait l'iionneur de m'écrire m'est arrivée ,

juste comme je me plongeais dans le gouffre d'une Cour pour fraudes d'Excisé.

J'émerge à l'instant du tourbillon et , Dieu le sait , dans une condition peu propre à

rendre convenablement les mouvements de mon cœur quand je m'assieds pour

écrire à

l'ami de ma vie, le vrai protecteur de mes vers *. »

Une complicité générale s'étendait sur tout le pays, protégeait les délinquants contre les recherches ou les défendait contre les poursuites. Les paysans favorisaient les contrebandiers ; les propriétaires usaient de leur influence en faveur des paysans pris à distiller le whiskey. C'étaient alors des tracas, des démarches pour déjouer les recommandations et les influences. La lettre suivante donne une idée, non seulement des fatigues, mais des difficultés du métier de Burns, et de la façon dont il le compre- nait et le pratiquait. Elle est adressée à son supérieur, le collecteur Mitchell :

« Monsieur, je ne manquerai pas d'aller voir le capitaine Riddell ce soir. Je désire et je prie que la déesse de la justice en personne puisse apparaître parmi nos honorables juges, simplement pour leur dire un mot à l'oreille : que la compassion pour le voleur est une injustice envers l'honnête homme. Je trouve que chaque délincjuaut a tant de gros personnages pour prendre son parti, que je ne serais pas surpris si demain j'étais enfermé dans les donjons de la loi, pour insolence envers les chers amis des gentilshommes du pays 2. »

Oui 1 Un dur et ingrat métier ! Et la besogne était d'autant plus difficile que la division avait été pendant longtemps négligée ! ^ A ces fatigues, à ces tracas plus incompatibles encore avec sa nature, qu'on ajoute ses fatigues et ses tracas de fermier, la direction du travail, les ventes, les cassements de tête de tout genre. Il est douteux qu'il y eût suffi, même si, après ses courses et en dehors de son travail, il avait trouvé le repos d'esprit complet et immédiat. Sous cette existence harassante s'agitaient et se heurtaient encore ses préoccupations poétiques, l'impatience, la colère, le découra- gement de ne pas avoir de loisirs.

11 était exténué par tout cela. Dès ses débuts dans l'Excise, dès les premiers jours, il se plaint d'être épuisé par ce terrible métier. Ses lettres deviennent la lamentable litanie d'une irrémédiable lassitude. On sent un homme, qui, entassant fatigue sur fatigue, sans que jamais un repos lui permette de s'en défaire, va grevant sa force de résistance, et fait chaque jour des emprunts d'énergie. C'est l'angoisse, l'indicible, l'incurable

1 To Robert Graham ofFintry, 4tii Sept. 1790.

2 To Collector Mitchdl, Sept. 1790.

3 Voir la lettre to Robert Graham, 4^^ Sept. 1790.