Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/423

Cette page n’a pas encore été corrigée

— 412 —

Le vainqueur était donc sir Robert Laurie. Chanibers ajoute : « J'ai appris par un parent de sir Robert Laurie qu'il ne se remit jamais com- plètement des suites de cette joute extraordinaire décrite parBurns, bien qu'il ait pu, quelques années après, prendre une part active aux guerres de la Révolution française, et qu'il ait survécu jusqu'en 1804' •» Cette scène est propre à marquer les habitudes des gentilshommes campagnards dont les résidences entouraient la terme de Burns.

Mais quelles fluctuations il y a dans ces âmes de poètes ! On les croit ici, et, d'un coup d'aile, elles sont là-bas, au loin, bien haut. Fort peu de jours après cette olympique de la bouteille, Burns composa une pièce qui tient dans son œuvre et dans sa vie une autre place.

En sortant d'être le Pindare de cette burlesque victoire, il entra dans un état d'âme grave et presque religieux. On a remarqué que, depuis 1786, à l'époque où, selon ses propres expressions, « l'Automne passe à l'Hiver, la pâle année, » quand les forêts sont sans feuilles et les prairies sont brunes, une mélancolie tonibait sur lui, comme au retour d'un anni- versaire douloureux et secret. C'était vers la fin de la moisson, au temps où Mary Campbell était morte. Cette année-ci, dans le vide de sa vie, le souvenir de la douce fille disparue lui revint avec plus de netteté. Depuis le moment où la nouvelle funeste était arrivée à la ferme de Mossgiel, depuis trois pleines années déjà, c'était le premier automne où il vivait hors du bruit, dans la solitude qui plaît aux souvenirs, et dans l'amertume du cœur où l'on comprend tout le prix des affections passées. Un jour, vers le milieu d'octobre, après avoir travaillé comme à l'ordinaire à la moisson, il parut, lorsque tomba le crépuscule, avoir quelque chose qui le rendait triste. Il sortit et erra dans la cour de la grange où sa femme, qui craignait pour sa santé, le suivit, lui faisant remarquer que la gelée était venue et lui demandant de rentrer. Il le lui promit, mais continua à se promener lentement de long en large, contenqjlant le ciel qui était singulièrement clair et étoile. Il resta dehors presque toute la nuit 2. A la fin, Mrs Burns revint de nouveau vers lui. Il était étendu sur un tas de paille, les yeux fixés sur une belle planète « qui brillait comme une autre lune 3. » Elle obtint de lui qu'il rentrât. Aussitôt dans la maison, il demanda son pupitre et écrivit d'un trait les touchantes et pures strophes à Mary dans le Ciel.

étoile tardive, qui d'un rayon diminué Aimes à saluer la première aube,

' R. Chambers, tome III, p. 62.

2 Cromek, Reliques of Burns, p. 238.

3 Voir sur ces détails Gromeii, Reliques of Burns, p. 238 ; Locktiart , Life of Burns, p. 190.