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La condition d'un fermier écossais, à cette époque, était loin d'être ce qu'elle devint un peu plus tard. La guerre, qui éclata quelques années après, en réclamant pour les armées et la marine d'immenses approvi- sionnements, haussa le prix des denrées. Les progrès de l'agriculture, en étendant la surface productive du sol et en augmentant le produit de la même surface, continuèrent la prospérité ainsi commencée. Le bien- être et même le luxe entrèrent dans les fermes, et le fermier, cessant d'être un paysan, devint une sorte de gentilhomme campagnard. « Sa maison, dit Allan Cunningham, eut un toit d'ardoises et des fenêtres à guillotine ; des tapis furent étendus sur le plancher, des instruments de musique placés dans le salon. Il cessa de porter un habit de drap fait à la maison, de s'asseoir à ses repas avec ses domestiques ; les dévotions de famille furent abandonnées comme une chose hors de mode ; il devint une espèce de gentilhomme campagnard , qui montait un cheval de sang et s'en revenait chez lui, les soirs de marché, au grand galop, au péril de son cou et à la terreur des humbles piétons. Ses fils furent élevés au collège et entrèrent au barreau ou achetèrent des com- missions dans l'armée ; ses filles changèrent leurs robes de tiretaine pour des robes de soie '. » Burns venait quelques années trop tôt pour profiter de ce revirement et pour être soutenu par ce flot subit de richesse. A l'époque de son arrivée à Ellisland , le cultivateur était un paysan comme ses ouvriers. Sa maison, couverte de chaume, avait un plancher d'argile ; ses meubles étaient fabriqués par le char- pentier ou le charron du village. Il prenait ses repas avec ses domes- tiques* ; quelquefois une ligne à la craie tracée sur le bois, quelquefois la lourde salière, marquaient la séparation entre le haut et le bas de la table 2. La nourriture était simple et presque grossière. Elle consistait presque uniquement en farine d'avoine, qui reparaissait sous toutes les formes. On Va\)\}e\\e porridge, quand elle est bouillie dans de l'eau, sur le feu, jusqu'à prendre une certaine consistance ; et brose, quand elle est mélangée, dans le plat même où on la mange, avec un peu d'eau chaude et de beurre. Les repas du matin et du soir consistaient en porridge et en brose. Celui du midi consistait en kail, c'est-à-dire une soupe aux choux^. « On ne cultivait aucun légume, dit M. Léonce de Lavergne , à l'excep- tion de quelques choux d'Ecosse , qui formaient avec du lard et de la farine d'avoine toute la nourriture de la population *. » Des gâteaux d'orge et du fromage complétaient la nourriture. On buvait de la bière brassée à la maison, home brened aie. La viande de boucherie paraissait

1 Allan Cunningham, Life of Burns, p. 94.

2 Ch. Rogers Scotland Social ami Domeslic,^. ^9.

3 Ch. Rogers. Scolland Social and Domeslic, p. 81.

  • Léonce de Lavergne. Essai sur l'Economie rurale de l'Angleterre, de l'Ecosse et

de l'Irlande, p. 329.