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«... Vous ne me dites pas si vous allez a'^ous marier. Croyez-moi, si vous ne faites pas quelque choix maladroit, cela améliorera beaucoup le mets de la vie. Je puis en parler par expérience, bien que, Dieu le sait, mon choix ait été fait aussi au hasard qu'au jeu de Colin Maillard i. »

Et huit mois plus tard il écrit encore :

^' Pour vous donner en raccourci le reste de mon histoire : j'ai épousé ma Jane et pris une femme. Du premier de ces actes, j'ai chaque jour plus en plus de raison d'être satisfait 2. »

Néanmoins, à y regarder de plus près, les choses n'étaient pas aussi assurées qu'elles le paraissaient. Quelques signes subtils, perceptibles à peine dans cette satisfaction, auraient pu eu révéler la faiblesse. Personne ne les vit; Biirns ne les soupçonna point. Ils existaient pourtant dès alors. Avec un peu d'attention il n'est pas impossible de les découvrir dans ce qui nous reste de ses sentiments à cette époque. Ce sont quelques pages à peine, quelques instants de son cœur ; mais quelques parcelles d'un corps suffisent à une chimie un peu soigneuse pour déceler les moindres traces dans sa composition.

Les sentiments qu'il avait pour sa femme étaient affectueux. 11 discer- nait bien les mérites qu'elle avait. Il les discernait trop bien. Le trait par lequel il les enserrait était si net, si précis, qu'il servait presque autant à marquer les qualités dont elle était privée que celles qu'elle possédait, et qu'il était difficile de dire pour quel côté la ligne avait été tracée, pour ce qu'elle renfermait ou pour ce qu'elle excluait. On n'y sent pas ce tremblement et ce léger refus de la main à marquer les limites de ce qui nous est cher. Il ne laissait pas même à certains contours du caractère ce quelque chose d'indécis, ce bord flottant, dont on accorde le bénéfice à la personne aimée, où il y a place pour un acte de foi et de confiance, sans lequel un amour manque d'un élément précieux, c'est-à-dire de ce qu'il donne. Il y a là aussi, dans ce petit intervalle, une réserve pour l'admira- tion, une ressource contre les déceptions, un peu de mystère, de possible au delà de ce que nous avons mesuré, qui répond à ce besoin d'illimité qu'ont les vraies affections. Cette pénombre de faveur n'existe pas dans la manière dont Burns apprécie sa femme. Il lui fait sa part d'un trait arrêté sans hésitation : voici ce qu'elle possède, voici ce qui lui manque ; elle a sa juste mesure, mais tout juste. C'est peu et c'est beaucoup ce simple fil tremblant autour d'un portrait. Il manque ici.

Je puis facilement imaginer une plus agréable compagne pour mon voyage de la vie, mais, sur mon honneur, je n'ai jamais vu la personne qui la représenterait. Dans les affaires domestiques, elle possède, à un degré éminent, l'aptitude à apprendre et

1 To John Beugo, Qth Sept. HSS.

2 To Dr Moore, 4tb Jan. 1789.