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font quelques tentatives pour exister et qui, incapables de remplir leur fonction, en marquent seulement le moment et le besoin. Il arrivait à Burns ce qui arrive à certains organismes où des phases importantes de l'évolution n'apparaissent qu'à l'état embryonnaire. La phase de sagesse devait rester chez lui indécise et mal ébauchée. Son imagination et son tempé- rament, ses qualités et ses défauts, devaient l'empêcher d'y prendre assiette et l'entraîner. D'ailleurs, eût-il possédé les conditions intérieures d'une véritable transformation, les circonstances extérieures les auraient rendues vaines. Pour que des décisions de ce genre, si malaisées à fixer, soient solides, il faut qu'elles s'établissent sur un fondement de confiance dans le lendemain. Celles-ci se formaient sur un fond mouvant d'incertitudes et de craintes, suffisantes par elles-mêmes pour ébranler une volonté assurée et décourager une volonté moyenne. Un esprit persé- vérant en eût été éprouvé. Celui de Burns n'y pouvait résister. Cela fit que cette réforme, comme beaucoup de ses sentiments, beaucoup de de ses résolutions, devait rester imaginaire. C'était un côté de sa vie qu'il devait vivre en rêve, ainsi qu'il arrive à beaucoup de poètes : c'est ce qui leur permet d'avoir des conduites si folles et des têtes si sages.
Dès que sa maison fut en train, il partagea son temps entre Ellisland et Mauchline, passant alternativement huit ou dix jours dans chaque en- droit. Jane Armour était alors à Mossgiel, chez la mère de Burns, dont elle s'était faite l'apprentie pour la laiterie et les autres occupations rustiques. La route était longue de « sa ferme à sa femme », car d'Ellisland en Nithsdale à Mauchline en Kyle, il y a 45 milles ^ et les chemins d'alors la rendaient rude. Parfois il la faisait d'une traite , sellant à trois heures du matin , sa vieille jument , Jenny Geddes, et partant dans l'obscurité. Parfois il coupait la route en deux et passait la nuit dans une auberge *. D'après Currie, ces voyages auraient eu une influence considérable et pernicieuse sur sa vie, parce que, dans ces arrêts, il rencontrait de la compagnie avec laquelle il oubliait ses résolutions de sobriété 2. C'est exagérer. Il eût été sans doute désirable qu'il s'installât dès son arrivée dans sa nouvelle existence, car les bonnes résolutions demandent à être appliquées aussitôt ; il faut les mettre au travail tout de suite ; elles s'affaiblissent si on leur laisse le temps de tlâner. Il y aurait surtout gagné d'éviter six mois de solitude et de découragement. Mais le cours ultérieur de sa vie fut dirigé par des causes plus profondes que quelques soirées passées autour du bol à whiskey, même si ces soirées empruntaient quelque chose au lendemain.
Ces semaines de Mauchline étaient les seules éclaircies dans l'assom-
1 To Peter mil, IStn July 1788.
2 Currie. Life of Burns, p. 45.