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Qu'importe si, comme le peuple des airs , Nous errons dehors sans savoir où ,

Sans maison ni abri ? Qu'importe I les charmes de la nature, les collines et les bois, Les vallons tortueux et les cours d'eau écumants

Sont ouverts à tous.

. Ce n'est pas que tout fût gain dans cette altération obscure dont les indices perçaient ainsi çà et là. C'était en lui, comme chez tant d'autres, le signe d'un tassement intérieur, d'un affaissement de l'imagination, en tant qu'elle est un des facteurs de la vie journalière. Il y a des instants de la jeunesse pendant lesquels, on peut le dire, l'existence réelle est incorporée avec l'existeuce idéale; elle n'existe pas à part, elle dérive de l'autre son prix et ses peines. Cette période avait été très marquée chez Burns, à Lochlea et à Mauchlinc. Durant ces années, les plus ferventes et partant les plus fécondes, il avait véritablement vécu en dehors, au-dessus de sa condition extérieure; non pas même eu lutte avec elle, car sa vie intime la remplissait, la transformait et en faisait son cadre naturel etson réceptacle. Aussi puisait-il sa poésie dans les faits de chaque jour. C'est cette primauté, cette souveraineté de l'imagination qui semblait s'affaiblir en lui. Il ne remplissait plus, n'envahissait plus les choses extérieures de lui-même; c'est qu'elles commençaient à pénétrer en lui sans se déformer; sa flamme ne les fondait plus; elles restaient indépendantes et intactes, ce qui est le train pour qu'elles deviennent indispensables. C'était une descente vers la terre. Elle n'était pas ressentie, et ne devait jamais l'être, dans les hautes parties de l'entendement, où demeurent les efforts intellec- tuels et les jugements généraux. Celles-ci sont d'ailleurs les dernières atteintes ; la mort arrive souvent plus vite que leur obscurcissement et elles subsistent claires au-dessus des diminutions de l'action. C'était la manière d'être quotidienne qui se modifiait, d'où sortent plus tard les sentiments et les aspirations intellectuelles. On peut encore continuer à mettre en œuvre les produits de la vie antérieure ; mais si on avait toujours mené la vie actuelle , on n'aurait pas les élémeuts de ce travail. C'est ce qui arrivera pour Burns. Désormais sa vie sortira moins de lui-même. Elle ne lui fournira plus les thèmes de sa poésie. Il sera obligé de les emprunter à son existence passée, comme pour Tmn de Shanter ; ou à des existences autres, comme pour ses chansons.

Toutefois, en dépit de leur sincérité, ces répudiations du passé et ces projets de réforme n'étaient chez lui que superficiels. Ces résolutions, faites de bonne volonté et d'une légère décroissance d'idéalité, n'avaient pas de racines. Il les croyait durables, elle ne l'étaient pas. Elles indi- quaient qu'il était arrivé au moment de la vie où généralement les hommes deviennent sages et plus empiriques ; mais ce moment ne devait pas se développer en lui. Elles ressemblaient à ces organes atrophiés qui