Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/388

Cette page n’a pas encore été corrigée

- 379-

dessus d'elle et la rivière qui coule au-dessous , une plate-forme sablon- neuse, d'un gazon très fin, bordée du côté de l'eau par un rideau d'arbustes, et longée par un sentier. C'était la promenade favorite de Burns ; c'est ici qu'il venait quand il désirait être seul ; c'est ici que, tout en marchant de long en large, il composa en une après-midi son célèbre Tarn de Shanter. De son temps, tout le pays était envahi de genêts. « Je sortis, dit-il, et allai me promener sur les bords couverts de genêts de la Nith* ». « On a arraché tant d'ajoncs et de genêts, dit Dorothée Wordsworth, qu'on se demande pourquoi tout n'a pas disparu, et cependant il semble qu'il y ait presque autant d'ajoncs et de genêts que de blé ; ils poussent l'un parmi l'autre, on ne comprend pas comment 2. » Maintenant encore des plaques d'or clair éclatent et luisent de toutes parts.

La vue n'est pas très étendue : des deux côtés de la rivière , elle est bornée par les collines uniformes qui renferment la vallée, et elle est arrêtée, dans le sens de la longueur, par les sinuosités des rives. C'est un endroit qui est loin d'avoir la grande et puissante allure de Mount-Oliphant ou de Mossgiel ; il n'a pas le caractère dur mais énergique de Lochlea. C'est un site gracieux, paisible et discret, un lieu d'ombrages et de murmures, de sensations plutôt que de spectacles, pensif sans aller jusqu'à la tristesse. Il ne possède aucun de ces points de vue d'où l'œil s'élance dans un monde de ciel et d'horizons , mais des recoins qu'on croirait artificiels et arrangés. Il a un charme plus anglais qu'écossais. C'est un peu un paysage de vignette.

Combien aimables, ô Nith, tes fertiles vallées. Où les aubépines épandues fleurissent gaiment. Combien doucement sinuent tes vallons en pente, Où les agnelets jouent dans les genêts 3.

Ce n'est pas un paysage d'envolées d'àme, mais de retour sur soi-même ou de séjour en soi-même. Il est fait à souhait pour les rêveries douces et tranquilles, les méditations du déclin de la vie, quand les passions sont apaisées et que les voyages de l'esprit ne se mesurent plus aux horizons des espoirs, mais à des souvenirs. C'est une jolie retraite de solitude et de loisirs studieux , un abri dans le goût du romantisme un peu passé du xv!!!*" siècle; on y lirait volontiers du Gray ou du Collins. C'eût été parfait pour Burns, s'il eût pu se consacrer uniquement à la poésie.

Malheureusement il était fermier , et ce site qui l'avait séduit lui ménageait des déboires. Le sol, surtout à cette époque de mauvaise culture,

1 To Mrs Dunlop, Novembcr 1790.

2 Rccolleclions of a Tour Made in Scotland, hy Dorothy Wordsworth, p. 7.

3 The Banks of Nith.