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Et quelques jours après , il écrivait à son ami Robert Ainslie à Edimbourg :

« Depuis que je suis venu dans ce pays, j'ai traversé de cruelles tribulations et j'ai été en butte aux coups du Méchant. J'ai trouvé Jane, bannie comme une martyre, délaissée, pauvre, sans amis, tout cela pour la bonne vieille cause.

Je l'ai réconciliée à son sort ; je l'ai réconciliée avec sa mère ; je l'ai menée dans une chambre ; je l'ai prise dans mes bras; je lui ai donné un lit d'acajou ; je lui ai donné une guinée ; et je l'ai embrassée jusqu'à ce qu'elle se réjouit dans une joie ineffable et radieuse. Mais, — comme cela m'arrive dans toutes les occasions , — j'ai été prudent et avisé à un degré étonnant. Je lui ai fait jurer, en particulier et solen- nellement, de ne jamais essayer de me revendiquer comme son époux, quand bien même on lui persuaderait qu'elle en a le droit, ce qui n'est pas — ni pendant ma vie, ni après ma mort. Elle a obéi comme une bonne fille ^ .

Ces lettres sont cruelles, la première surtout. Sans doute il n'eut pas la brutalité de laisser paraître les sentiments qu'elle traduit. Il était bon et dissimula sa froideur sous des caresses. Mais la promesse qu'il exigeait était assez pour assombrir les pensées que les femmes qui portent un enfant tournent naturellement vers l'avenir. C'est un dur moment pour s'engager à ne pas être épouse que celui où l'on va devenir mère. Les paysannes, comme les autres, sentent ces choses , et Jane dut en souffrir. Mais Burns était encore sous le charme d'Edimbourg ; il avait l'égoïsme des gens épris. Ce fut là un des moments troubles et mauvais de sa vie. Ces deux lettres sont une vilaine action. Il n'y a pas à essayer de l'en défendre. C'est peut-être ce qu'il a fait de plus mal en sa vie.

Il ne séjourna pas à Mauchline et , prenant avec lui un vieux fermier dans l'expérience de qui il avait confiance, il partit pour leDumfriesshire afin d'examiner les différentes fermes , situées à peu de distance de Dumfries , entre lesquelles il avait le choix ^. Il y allait sans beaucoup d'ardeur, un peu pour la forme, par politesse pour l'offre qu'on lui avait faite. La visite cependant fut plus favorable qu'il ne s'y attendait. Son compagnon se montra satisfait des terres qu'ils virent et fut d'avis qu'il pourrait accepter. La ferme qui leur plut davantage s'appelait EUisland. Après une huitaine d'absence, Burns revint avec l'intention de la prendre si ses conditions pouvaient s'accorder avec celles du propriétaire.

A son retour de Dumfries, il passa à Mauchline environ une semaine, qui fut surtout consacrée à Jane Armour, dont la position réclamait de plus en plus de soins. Il semble que ce rapprochement prolongé ait cette fois réveillé quelques restes de l'ancienne tendresse. L'influence factice et étourdissante de Clarinda s'était un peu dissipée au grand air.

1 To Robert Ainslie , Srd March n88.

2 To Robert Muir, 'Jth March 1788.