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Gonflera fortement ma poitrine, De pouvoir, pour la vieille Ecosse aimée,

Faire un plan ou un livre utile,

Ou chanter une chanson tout au moins ;

Le rude chardon aigu, qui s'étalait à l'aise

Dans l'orge aux épis barbelés.

J'en détournais les cisaUles du sarcleur,

Et j'épargnais le cher emblème ;

Aucune nation , aucune position

Ne pouvaient exciter mon envie ;

Écossais toujours, sans reproche toujours,

Je ne savais pas de plus haut éloge.

Cependant les éléments de la poésie.

Informes, embrouillés, le bon et le mauvais,

Pêle-mêle flottaient dans mon cerveau,

Jusqu'à ce que, pendant cette moisson dont je parle,

Ma compagne dans la bande joyeuse.

Éveillât les chants qui se formaient ;

Je la vois encore la jolie fillette

Qui a allumé mes rimailles.

Son sourire ensorcelant, ses yeux malins.

Qui faisaient frémir les cordes de mon cœur.

Je m'enflammai, inspiré

Par ses regards qui portaient la flamme.

Mais fauchant avec rage, abattant l'ouvrage ,

Je n'osai jamais parler i.

Vingt années après, lorsqu'il donnait au recueil publié par Johnson ses plus parfaites chansons, la dernière qu'il envoya fut cette modeste chanson d'autrefois, qui avait été la primevère de sa poésie. Et après que tant d'amours si divers, les uns chastes et distants, les autres ardents et douloureux, d'autres vulgaires, tous sincères, eurent secoué son cœur de leurs joies et de leurs chagrins, l'image de cette affection enfantine, éclose dans les premiers blés coupés, lui revenait avec toute sa grâce.

Peu de temps après cette aventure et dans le courant de sa dix-septième année, il se fit en lui une crise. Ce n'était pas qu'il se transformât ; mais il se manifestait. L'homme excessif qu'il devait être perçait à travers l'adoles- cent, et sa vie commença à affecter la tournure qu'elle devait garder jusqu'au bout. On put voir apparaître en lui, dans leurs premières et encore faibles manifestations, l'emportement dans le plaisir qui venait de son tempérament, le besoin de primer et de briller qui venait de sa supériorité intellectuelle, et un désir de sociabilité bruyante dont lui- même a bien marqué les causes, les unes gaies, les autres sombres : une

1 Epistle lo Afs Scott.