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établi. Les vers, qui ont une douceur plaintive, disent assez quelles étaient ses pensées.

Continue, doux oiseau, et berce mes soucis. Tes notes joyeuses apaiseront ma désespérance ,

Tes harmonieux gazouillements, innocents,

Résonnent doucement dans mon cœur souffrant.

Choisis ta compagne et aime tendrement,

Éprouve tous les transports charmants,

Goûte toutes ces douces émotions;

Qu'aimer et chanter emploient toutes tes heures ;

Tandis que moi, exilée de l'amour, délaissée, je vis

Sans donner ni recevoir de bonheur.

Chante encore, doux oiseau, et berce mes soucis.

Tes notes joyeuses apaiseront ma désespérance*.

« Ces vers, dit-elle, ont été écrits pour apaiser un cœur endolori. Je souffrais alors d'une cruelle angoisse d'âme que je ne puis vous dire -. » Elle avait des moments amers, surtout quand des jours de fêle, le com- mencement de l'année, lui faisaient sentir davantage son isolement. « En cette saison quand les autres sont joyeux, je suis tout l'opposé. Je n'ai pas de proches parents et tandis que les autres sont avec les leurs , je suis assise seule , pensant à plusieurs des miens avec qui j'avais l'habitude d'être, maintenant partis pour la terre de l'oubli 3. » Ces heures glaciales devaient être affreuses pour elle. Peu à peu, par cette ascension insensible qui mène toute chose à la vie , ces songeries du passé , ces regrets , étaient devenus des rêves tournés vers l'avenir, de vagues espérances, pas assez précises pour l'effrayer et assez séduisantes pour la charnier. L'insinuante et dangereuse cajolerie de ces chimères la gagnait. Elle souhaitait innocemment un ami dont la présence remplirait sa vie. « Pendant bien des années , j'ai cherché un ami , doué de sentiments comme les vôtres ; un ami capable de m'aimer avec une tendresse pure d'égoïsme, capable d'être mon ami, mon compagnon, mon protecteur, et qui serait mort plutôt que de me faire tort. J'ai cherché, mais j'ai cherché en vain*. » Souhait si humain, si légitime après tout! Elle l'avait près d'elle, le véritable ami de sa situation. Mais elle ne l'aimait pas. Elle poursuivait ce rêve, par lequel commence le roman de presque toutes les femmes , ce rêve d'affection désintéressée et pourtant ardente d'un ami ému comme un amant. Elle se laissait aller à cette aspiration d'avoir toutes les douceurs, les troubles mêmes de la passion et la sécurité de la conscience. Elle ne s'apercevait pas qu'il est irréalisable,

1 To a Blackbird Singing on a Tree.

2 To Sylvander, 19tii Jaa. 1788.

3 To Sylvander, 3rd Jan. nss. ^ To Sylvander,. I9^h Jgj^, 1^88.