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l'occasion de faire, peu de semaines après, un tour de quelques jours avec lui, dit: « Pendant une résidence d'environ dix jours à Harvieston, nous fîmes des excursions pour visiter différentes parties du paysage environnant, qui n'est inférieur à aucun autre en Ecosse, en beauté, en su- blimité et en intérêt romanesque, particulièrement le château de Campbell, ancienne résidence de la famille Argyle, la fameuse cataracte du Devon, appelée le bassin du Chaudron, et le Pont grondant, une seule arche large, jetée par le diable, si on en croit la tradition, à travers la rivière à environ cent pieds au-dessus de sou lit. Je suis surpris qu'aucune de ces scènes n'ait évoqué un effort de la muse de Burns. Mais je doute qu'il ait eu un grand goût pour le pittoresque. Je me rappelle bien que les dames d'Harviestou, qui nous accompagnèrent dans cette promenade, montrèrent leur désappointement de ce qu'il n'ait pas exprimé en langage plus ardent et plus brillant ses impressions de la scène du bassin du Chaudron qui certainement est hautement sublime et presque terrible K » On peut à la vérité, opposer à cette déposition un passage de Walker qui a l'air de le contredire. « J'avais souvent, comme d'autres, éprouvé les plaisirs qui naissent d'un paysage sublime ou élégant, mais je n'avais jamais vu ces sentiments aussi intenses que chez Burns. Quand nous atteignîmes une hutte rustique sur la rivière de la Tilt, là où celle-ci est surplombée par un escarpement boisé d'où tombe une belle cascade, il se jeta sur un talus de bruyère et s'abandonna à un enthousiasme d'imagination tendre , perdu et voluptueux. Je ne puis m'empêcher de penser que c'est là peut- être qu'il a conçu l'idée des lignes suivantes, qu'il plaça plus tard dans son poème sur les Chutes de Bruar, lorsqu'il imaginait une combinaison d'objets semblable à celle qu'il avait maintenant sous les yeux.

Où , vers la moisson , sous les rayons nocturnes

Doucemenl parsemés à travers les arbres,

Il viendra délirer devant mon flot sombre et rapide

Dont le cri rauque s'enfle avec la brise.

C'est avec peine que je parvins à lui faire quitter cet endroit et à l'emmener en temps pour le souper^. » Mais si l'on se rappelle que les vers cités sont parmi les plus expressifs de la pièce sur la chute de Bruar, on n'a pas de peine à constater que l'enthousiasme de Burns, excité peut-être par le paysage, ne s'appliquait pas au paysage lui-même et poursuivait quelque sentiment particulier. Ce n'est pas à dire qu'il ne ressentait pas la nature. On a pu voir le contraire. 11 ne ressentait pas la nature gigantesque , qui écrase l'homme ; son âme toujours en passion humaine ne s'ouvrait pas à ces vastes impressions ; il ne pouvait que

' Currie. Lifv of Burns, p. 40.

2 Currie. Life of Burns, ^p. 42. Extrait d'une lettre de Walker à Currie.