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parcourait, de bruyères violettes et de mousses roussies ou bronzées. Une lumière fine qui les baigne, adoucit tellement les teintes que ces nobles montagnes ont l'air de traîner des manteaux de vieux velours usé, pourpres et mordorés. Elles sont, ainsi revêtues, pleines de douceur et de majesté. En même temps elles ont une mélancolie si large et si attirante. Ce n'est pas une mélancolie immobile. Toujours le paysage vit et continuellement se passionne en grands mouvements de lumière, qui parfois ressemblent à des élans. Et je ne veux pas parler des change- ments de ciel , des orages, mais d'incessantes et délicates émotions de couleur, qui font palpiter le paysage et ne sont possibles qu'avec les nuances particulières aux pentes écossaises. Quand nous y passâmes, par un jour pur où erraient quelques nuages, lorsque le soleil donnait, des taches vertes et gaies s'éveillaient, de toutes parts et tout riait ; lorsqu'une ombre passait, elles s'éteignaient, et soudain tous les rochers gris ressortaient et s'emparaient de la montagne morose ; elle était tout en mouvement comme un cœur partagé entre l'espoir et le chagrin.
Il suffit d'aller de Kenmore à Blair Athole, de visiter les chûtes d'Aberfeldy, le parc de Killiecrankie, les cascades de Bruar et du Tummel, pour voir rassemblés les accidents et les dislocations les plus violents, les sites déchirés, les aspects torturés du pays écossais ; pour contempler l'étreinte des rochers et des torrents , et leur fureur éternelle. On a, dans toute sa variété, avec ses efforts, ses rages, ses souffrances , ses sanglots désespérés, ses hurlements furieux, le combat de l'eau et de la montagne. On peut assister, dans des rencontres particulières, aux prises des deux adversaires. On a là une suite d'épisodes détachés, circonscrits, individuels , pour ainsi dire , plus frappants , à première vue , que les paysages d'ensemble, mais moins profonds. On peut y rencontrer ces secousses d'étonnement et d'épouvante, qui touchent certaines âmes fer- mées aux impressions plus élevées et d'un sens plus large que contiennent les étendues harmoniques.
Et surtout il suffit d'aller de Blair Athole à Kingussie, de traverser le dos des Grampiens, pour éprouver ce que l'Ecosse peut inspirer de plus grandiose, si l'on excepte peut-être la poésie redoutable des îles de la côte ouest. On est sur un plateau, au niveau des hauts sommets, au milieu d'un océan de vastes croupes arrondies et douces, toutes d'égale hauteur, qui s'en vont dans tous les sens, innombrables. Cet épanchement colossal semble sans direction et sans bornes; on est n'importe oii d'un monde de solitude. Comme les cimes sont semblables de forme et d'élévation, l'œil n'en choisit aucune et l'effet se répand sur toute la masse. Le calme des ondulations donne à ce spectacle quelque chose de définitif, qui est plus près de l'éternité que l'effort violent des montagnes escarpées. Le silence et l'abandon sont absolus. De temps en temps , un torrent qui mugit, un lac aux bords inhabités qui ne luit que pour le ciel, resserrant