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froid et de faim ^ La sauvagerie des soldats était parfois plus hideuse, « ils furent coupables de toutes sortes d'outrages envers les femmes, la vieillesse et l'enfance^.» Une mare de sang auprès de décombres calcinés était le tableau de tout le pays. Heureux lorsque les hommes pouvaient s'échapper, fuir à l'étranger pour un exil sans terme. On peut imaginer ce que des temps pareils voient de douleurs, de sépa- rations, de déchirements, temps exécrés où toutes les figures ont des larmes. Une immense malédiction, faite de milliers de sanglots, de gémissements, d'adieux et de râles, monta de partout, des vallées, de la plaine, des collines, des monts, comme le cri de l'Ecosse. 11 sembla que le vent qui passait sur les bruyères portait des plaintes humaines et disait au ciel des choses douloureuses.

Dans une ode admirable de colère et de courage qu'il a appelée Les Larmes de VÉcosse , et qui le fera vivre comme poète , Smollelt avait exprimé cette suprême affliction de sa patrie.

« Gémis, malheureuse Calédoiiie, gémis

Sur ta paix bannie, tes lauriers déchirés I

Tes (ils, longtemps fameux pour leur valeur,

Sont étendus égorgés sur leur sol natal ;

Tes toits hospitaliers

N'invitent plus l'étranger vers la porte ;

Effondrés en ruines fumantes, ils gisent,

Monuments de la cruauté.

Oh ! cause funeste, oh ! matin fatal

Que les âges à venir maudiront!

Les fils se tenaient contre leur père,

Le père versait le sang de ses enfants.

Cependant, quand la rage de la bataille cessa,

L'âme du vainqueur ne fut pas apaisée;

Les abandonnés, les nus durent sentir

Les flammes dévorantes et l'acier meurtrier.

La pieuse mère, vouée à la morl,

Abandonnée, erre sur la bruyère ;

L'aigre vent siffle autour de sa tête;

Ses orphelins sans force pleurent pour avoir du pain ;

Dépourvue d'abri, de nourriture, d'amis,

Elle regarde les ombres de la nuit descendre,

Et, étendue sous les cieux incléments,

Sanglotte sur ses pauvres bébés et meurt.

Tant que du sang chaud mouillera mes veines ,

El que le souvenir en moi régnera non affaibli,

Le ressentiment du destin de ma patrie

Battra dans ma poitrine filiale ;

1 Lord Mahon, Hislory of England.

2 Walter Scott, Taies of a grand Falfur, cliap. LXXXiv. — Voir aussi ces horreurs dans Amédée Pichot, chap. xxxui.