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commandée par le comte de Mar, et l'armée royaliste sous les ordres du duc d'Argyle, étaient séparées par un renflement de terrain qui a la forme d'une calotte sphérique très régulière, en sorte que, en quelque point qu'on se trouve de la base, la vue est coupée par une courbe qui semble toujours la même. Il advint que les deux armées, invisibles l'une à l'autre, n'arrivèrent pas à se renconter de Iront, et que chacune, cherchant l'ennemi à droite, déborda la gauche de l'autre^. Il en résulta deux victoires et deux défaites : la droite de Mar ayant enfoncé la gauche d'Argyle, et la droite d'Argyle ayant dispersé la gauche de Mar ; si bien qu'à la fin les deux adversaires restèrent l'un en face de l'autre, surpris d'être vainqueurs et vaincus en même temps. Ils revendiquèrent tous deux la journée. En réalité l'avantage était resté à Argyle. Ce dénoûment bizarre avait été célébré par une ancienne chanson, dont le refrain rendait bien la stupéfaction des deux partis :

D'aucuns disent que nous gagnâmes,

D'aucuns disent qu'ils gagnèrent ,

Et d'aucuns disent que personne n'a gagné du tout, homme :

Mais d'une chose je suis sûr,

C'est qu'à Sheriffmuir

Il y eut une bataille que j'ai vue, homme :

Et nous nous sauvâmes et ils se sauvèrent,

Et ils se sauvèrent et nous nous sauvâmes,

Et nous nous sauvâmes et ils se sauvèrent bien loin, homme 2.

Tout en conservant un peu de la raillerie du vieux couplet, Burns évoqua un tableau plus tragique. Ce qui semble l'avoir frappé c'est la fureur de ces chocs, où les Highlanders, après avoir enfoncé leurs bonnets bleus sur leurs yeux, partaient en courant, déchargeaient leurs fusils et leurs pistolets, les jetaient et, se ruant sur l'ennemi, tailladaient à grands coups de claymore. Il eut comme la sensation de la rapidité, du halètement et du cliquetis de ces rencontres sans fumée, muettes, blêmes et farouches comme toutes les mêlées à l'arme blanche, dont les morts ont une expression haineuse et montrent leurs dents serrées.

« venez-vous ici pour fuir la bataille

Ou garder les moutons avec moi, homme ?

Ou bien éticz-vous à Sherra-Moor,

Et vites-vous la bataille, homme? » —

l' J'ai vu la bataille, rude et drue.

Et maint fossé coulait rouge et fumant ;

De crainte mon cœur battait

1 Cette situation est très bien expliquée par Hill Burton, Hislory of Scollnnd, t. "VIII, p. 316-20.

- On trouvera cette vieille chanson, The Batllc of Sheriff-Muir, dans toutes les collec- tions de chansons écossaises ; nous la prenons dans le recueil de Whitelaw.