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çois r, puis Marie de Guise ; il avait pris dans son séjour en France le goût des constructions, qui fut un des traits de la Renaissance française. Cette ornementation massive, surchargée et grossièrement luxuriante, cette sculpture tourmentée, déréglée jusqu'au grotesque, abondante en postures forcenées, en contorsions, en lourds caprices, cet encombrement de figures où foisonnent les personnages de la mythologie, de l'antiquité et de la vie contemporaine, où Omphale, Persée, Diane, Vénus se cou- doient, où Cléopàtre avec son aspic a sa niche, le roi Jacques et sa reine leur portrait, l'échanson et les officiers de la cour leur statuette, pêle-mêle dans un grouillement de créatures et d'animaux innomés, ce travail rude de la pierre, la luxure non pas élégante mais bestiale de certains sujets, tout cela est bien la Renaissance dans des esprits mal dégrossis et bruta- lement épris du beau. C'est bien l'image des Stuarts : des âmes d'un fond encore barbare et inculte, touchées et en partie gâtées par la corrup- tion affinée du continent. Des légendes de toute espèce habitent ces vieilles murailles. C'est par cette fenêtre que Jacques II, après avoir dans une discussion frappé de deux coups de dague le comte de Douglas à qui il avait envoyé un sauf-conduit sous le sceau royal, fit jeter son cadavre dans la cour. Par ce sentier qui descend derrière le château , Jacques V s'échappait, sous des déguisements divers, pour s'informer des doléances de ses sujets et surtout pour courir les aven- tures d'amour. C'était un roi galant. Quand, dans ses expéditions , il arrivait qu'on lui demandât son nom, il disait qu'il était « le fermier de Ballengeich » , d'après le nom du sentier. Il rencontrait ainsi toutes sortes de chances ou de mauvais pas*. Sa mémoire est restée populaire un peu à la façon de celle de notre Henri IV, et dans les recueils de chansons écossaises, il y en a quelques-unes qu'on lui attribue et qui célèbrent ses exploits galants. C'est ainsi que, dans ce cadre plus fait à leur taille, les Stuarts ont laissé des souvenirs en quelque sorte plus intimes et plus familiers. Leurs qualités revivent là mieux qu'ailleurs : leur bravoure, leur don héréditaire de poésie, leur spontanéité de cœur, leur remarquable effort pour établir un peu de justice en abaissant les nobles, et là aussi revivent leurs faiblesses. En visitant le château, Burns avait devant lui toute cette race fameuse, dans un tableau de somp- tuosités, de galanteries, de faits d'audace, de vues politiques, ramassés les uns contre les autres par la perspective du passé. Cet éloignement, où tout ce qui fut ordinaire était effacé , lui faisait paraître plus brillantes ces époques disparues.

Mais la beauté de Stirling, c'est l'incomparable panorama qu'on découvre de la terrasse du château. Devant une rangée de montagnes qui

1 Voir les aventures de Jacques V, dans les Taies of a Grand Father de Walter Scott, ({ui excellait dans ce genre auecdotique, le chap. xxvii.