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presque tous les garçons de la ville commençaient leur éducation avant d'entrer à l'Université. Ce Nicol était un singulier compagnon avec qui se mettre en route ^ . Ce n'est pas qu'il manquât de qualités. Sa vie étaitsortie d'un rude vouloir. Fils d'une pauvre paysanne veuve, il avait reçu sa pre- mière éducation et les éléments du latin d'un maître d'école ambulant, nommé John Orr, qui s'était instruit tout seul et , incapable de se fixer nulle part, menait une vie de pédagogue nomade. Encore gamin , Nicol avait ouvert une école dans la chaumière de sa mère ; mais il fallait que celle-ci fût toujours là ; quand elle avait le dos tourné, maître et élèves pillaient l'armoire. De ces débuts, si caractéristiques encore de l'éducation écossaise, il était arrivé à suivre les cours de l'Université d'Edimbourg et à se distinguer. 11 était devenu un latiniste remarquable. C'était un esprit solide, âpre, fort, rétentif, semble-t-il. Il avait un cœur chaud et emporté, «il eîit été n'importe où pour aider les vues et les désirs d'un ami , mais quand la basse jalousie , la ruse ou la tricherie égoïste se montraient, son esprit s'entlammait jusqu'à la fureur et la démence 2. » Avec ces qualités , il était grossier, vaniteux , brutal , cynique, colérique et ivrogne. Il était resté un paysan inculte et rugueux; son cerveau avait acquis des connaissances sans en être modifié. C'était un de ces pédants en qui le savoir se tourne en orgueil et cet orgueil en cynisme. C'était un cuistre dans un rustre. [1 avait des colères de taureau. 11 malmenait et battait ses élèves. C'est lui qui faisait mettre en rang des élèves qu'il avait à fouetter, quelquefois une douzaine. Quand tout était prêt , il envoyait un message aimable à son collègue M'" Cruikshank pour l'inviter « à venir entendre son orgue ». Cruikshank présent, il commençait à administrer une llagellation rapide , en montant et en descendant ce singulier clavier, « il tirait des patients , dit Chandiers , une variété de notes que, s'il avait été un musicien plus savant , il aurait probablement appelée une bravura ». Il faut dire que c'étaient les habi- tudes scolaires et que , à l'occasion , Cruikshank lui rendait la pareille 3, Un jour Nicol frappa le recteur de l'école. Celui-ci était alors le docteur Adam, homme excellent, respecté, « si consciencieux, si patient, si aimable, si candide*, » dont ses élèves conservaient tous un souvenir attendri. C'est lui qui sur le point d'expirer, n'ayant pas perdu le goût de ses classes , dit : « Il commence à faire noir , mes enfants , nous finirons l'explication demain ^. » C'était la nuit de la mort. 11 fallait être une brute

1 Voir sur ce Nicol, le portrait qu'en trace Gurrie, l/ife of Burns, p. 41-42 — Pour les détails biographiques voir The Hislory of the High School of Edinbwgh, by William Steven. D. D., appendix vi, p. 94.

2 W. Sleven. History of the High School.

3 R. Chambers. Domestic Annals Scoltand, tom III, p. 223.

  • Lord Gockburn. Menîorials, p. 4.

^ Id., p. 213.