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du temps jadis, il avait le cœur d'un poète * ». Et ce cœur de poète s'était formé au commerce de ces vallons et des vallées. Lui-même le dit dans un passage d'une délicatesse achevée, tout tremblant d'une brise de poésie gracieuse, comme un des peupliers dont il parle.

Vous aimables vallées, qui avez eu mes premiers regards !

Comme votre sourire était doux quand les charmes de la nature renaissaient,

Vert était son vêtement, brillant, frais et tiède. . .

Quand je songe, ma première vie me revient,

La première ardeur de la jeunesse bat dans mon sein.

Comme une musique fondue dans un rêve d'amant.

J'entends la chanson murmurante de la rivière Teviot ;

Les rayons plissés étendus sur les eaux

Peignent une lune plus pâle, un ciel plus faible ;

Tandis qu'à travers les rameaux renversés des aunes

Scintillantes les étoiles brillent d'un éclat verdâtre.

Sur ces belles rives, tes anciens bardes,

enchanteresse rivière ! ne versent plus leurs chants émus ;

Mais leurs harpes invisibles, suspendues aux peupliers.

Soupirent encore les doux airs qu'elles apprirent jadis.

Et celui qui foule d'un pied religieux le sol.

Vers minuit solitaire, entend leur son argentin,

Quand les brises de la rivière agitent leurs ailes cotonneuses

Et éventent légèrement leurs cordes sauvages et enchantées.

Celui qui d'une main terrestre aspire, conflani, et hardi,

A tenir la harpe aérienne des anciens bardes,

A couronner son front de la couronne sacrée de lierre.

Et à mener le chœur plaintif des morts.

Que celui-là, au pied des peupliers, éparpille chaque nuit

Les feuilles pointues du saule d'un glauque pâle,

Qu'il évite de lever les yeux, obstinément détournés.

Quand autour de lui s'épaississent les soupirs de fantômes invisibles

Et que sur sa tête solitaire, comme des abeilles en été.

Les feuilles mues d'elles-mêmes tremblent sur les arbres.

Quand les premiers rais du matin tombent tremblants sur la rive.

Alors c'est le moment d'étendre sa main audacieuse,

Et d'arracher au pâle peuplier incliné La harpe magique de l'ancicnûe vallée de la Teviot 2.

Avant de partir pour les Indes, il publia un volume de vers. Scènes (f Enfance, consacré à ce pays des Borders. Il avait surtout été frappé par le paysage, là oii il est plus souriant et plus plaisant ; sa note par- ticulière est de l'avoir rendu, dans une suite de tableaux, avec un mélange d'exactitude familière et d'anoblissement, qui fait penser en même temps à Gowper et à Thomson.

1 Lockhart. Life of Sir Waller ScoU, chap. x: John Leyden. — Voir aussi le Mernoir of John Leyden par Walter Scott.

2 John Leyden. Scènes of Infancy, part. i.