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de la vallée de la Moffat, où « la queue de la jument grise », tombant perpendiculairement de plus de trois cents pieds, se brise, gronde et gémit dans un enfer de rocs. Elle est pleine d'une poésie pathétique et tragique ^ Il n'y a presque pas une pierre, pas un tertre qui n'en ait reçu une sorte de consécration. Le gai Faucon, Murray l'outlaiv, Willie est rare et Willie est beau, la Tragédie de Douglas, les Tristes vallons de Yarroiv, la Lamentation de la veuve des Borders, à ne prendre que les pièces capi- tales , ont leur scène dans ce petit val , sans parler de moindres chansons et d'imitations sans nombre. D'autres vallées sont presque aussi riches. On se rend compte de ce qu'il a dû fleurir, disparaître, renaître de poésie dans cet extraordinaire district, lorsqu'on a parcouru la Minstrelsg des Borders Ecossais ; surtout si l'on réfléchit que ce recueil a laissé à glaner, qu'il a été fait bien tard, que plusieurs de ces chansons ou ballades et des plus belles, lorsqu'elles furent trouvées , ne palpitaient plus que pour peu de jours sur les lèvres de quelque vieille femme cassée, toutes prêtes à mourir avec elle. Combien ont disparu de la sorte, avec la dernière âme qu'elles avaient charmée ! Sans doute cette poésie n'avait pas encore reçu sa large consécration littéraire ; elle n'avait pas pris rang dans les bibliothèques comme une des plus originales anthologies populaires qu'il y ait. Elle était cependant bien connue en Ecosse ; et même elle était à la mode. La preuve en est dans les nombreuses imitations que le xviii*' siècle en dvait faites, bien avant le moment où Burns voyageait dans les Borders. Allan Ramsay avait donné l'exemple de ces imitations, bien que les siennes fussent froides et maniérées. Toute une série de menus poètes, Robert Crawford, Hamilton de Bangour, Julius Mickle, John Logan, avaient retrouvé, parfois dans quelques pièces seulement, parfois dans une seule, l'accent et la mélodie des vieilles ballades 2. Ne sait-on pas que deux versions célèbres d'une ancienne ballade, les Fle^^rs de la Forêt, sont dues à deux jeunes filles , l'une Miss Jane Elliot et l'autre Miss Alison Rutherford, plus tard M" Cockburn, que nous avons vue, déjà âgée, accueillir Burns à Edimbourg? Elles avaient toutes deux, sans s'en douter, émues un jour par un refrain plaintif, donné deux chefs-d'œuvre de sentiment simple, et enrichi de deux perles la poésie de leur pays 3. Elles ne composèrent jamais rien d'autre. Ces deux charmantes pièces avaient, en réalité, été produites par le pur procédé de collaboration

1 Voir, sur les charmes différents, un délicat et juste passage dans les Notices and Anecdolos illustrative of Sir Waller Scott, p. 151. — Veitch, p. 425-26. — La lecture de Principal Shairp The Three Yarrows dans ses Aspects of Poetry — et l'exquis poème de Wordsworth, Yarrow visiled, qui pénètre plus que tout ce qtd a été écrit sur la Yarrow.

2 Lire dans le chapitre xni de Veitch : Border Poetry, Eighteenth Century, le travail d'imitation des anciennes ballades qui s'est fait pendant le siècle dernier,

3 Voir dans quelles circonstances ces chansons furent composées : Songslresses of Scotland ; lom I : pour M^ Cockburn, p. TO-"?!, pour Miss Jane Eliot, p. 205-0'7.