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rochercher des inspirations poétiques , des scènes , des souvenirs, dont il pût faire son profit. Il n'est pas sans intérêt, pour l'étude de ses préférences d'esprit et en même temps pour la notation exacte de son état d'âme, de voir ce qu'il a su retirer, pendant ce voyage, soit des aspects de la nature , soit des associations humaines qui y sont mêlées.

Le pays qu'il allait visiter possède un grand charme tranquille et mélancolique ^ Il n'est pas très puissant ni très mouvementé ; c'est une région de collines et de montagnes moyennes, arrondies par l'usure de glaciers disparus. Elle s'étend, avec l'allure des hauts plateaux 2, en calmes ondulations liées les unes aux autres, qui se rencontrent, se coupent ou se marient, en courbes sereines et harmonieuses. Le paysage se prolonge de tous côtés, uniforme, partout semblable à lui-même et cependant partout séduisant ; indéfiniment il s'enfuit d'un même rhythme large et noble et, à peu près à égale hauteur, pousse jusqu'au fond du ciel la houle paisible de ses cimes. Ces montagnes souples s'abaissent vers les vallées, en descentes très douces, en inclinaisons molles et coulantes, en tléchissements sans heurt, en plis traînants. La forme de la contrée est très apparente, car rien ne l'interrompt ni ne la recouvre. Un de ses caractères est l'absence de toute haute végétation ; les bois sont ramassés dans le fond des vallées plus importantes ; ailleurs, peu ou pas d'arbres, sauf quelques bouquets de bouleaux et de mélèzes semés sur les plus basses pentes. On a, dans son ampleur, la beauté des paysages nus, à grandes lignes maîtresses qui se déroulent dans le ciel, y mettant un mouvement lorsqu'il est pur et immuable , y mettant un repos lorsqu'il est rempli de la mobilité des nuées.

Ce calme des contours est, en outre, soutenu par la monotonie de la coloration. Des bruyères, des fougères, des genêts, une herbe rude et unie, des mousses semblables à des velours bruns ouverts, recouvrent les pentes, de larges teintes adoucies et voisines, qui laissent, selon l'expres- sion de Geikie, toute leur valeur aux modulations du terrain ^. Les cou- leurs changent avec les saisons ; mais lors même qu'elles sont le plus vives, c'est-à-dire lorsque, vers l'automne, les bruyères s'empourprent,

' Pour le caractère général du paysage des Borders, nous avons contrôlé et éclairé nos impressions personnelles par celles d'écrivains qui ont parle magistralement de ce pays. Il faut lire. — pour la partie physique, l'admirable livre de Archibald Geikie : The Scenery of Scolhind, viewed in Connection wilh ilst physical Geology, où les qualités de l'écrivain égalent celles du savant ; — jour la parlie littéraire et poétique, le très beau livre de John Veitch : The Hisloiy and Poelry of Ihe Scollisli Border, their main fealurcs and relations, où il y a des pages d"un véritable amant et connaisseur de la nature. — Il y a, dans les liecolleclions of a Tour made in Scotland, AD. 1803, de Dorothy Wordsworth, des pages d'un sentiment exquis. — Relire en même temps les poèmes écossais de Wordsworth, et, bien entendu, noter les traits descriptifs des vieilles ballades qui sont toujours d une grande justesse et d'une grande force résumante.

2 Voir sur ces traits géologiques, A. Geikie. Scenery of Scotland, chap. xiii,

3 A. Geikie. Scenery of Scotland., p. 296.