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traire les vaches au crépuscule. La chanson s'appelait Cra-Chalieis c'est-à-dire les bêtes à Colin. Vers l'époque où l'Ecosse était agitée par l'établissement d'une milice et oii se formaient de tous côtés des régi- ments de miliciens, la taverne était fréquentée par une réunion de bons vivants qui avaient pris le titre de Crochallan fencibles, comme s'ils avaient dit: les volontaires des vaches à Colin. C'était une société de rudes buveurs , tous hommes intelligents , mais plus rugueux et plus âpres , d'une jovialité parfois grossière. C'étaient Charles Hay, un des premiers avocats de son temps ; Alexandre Cunningham, écrivain au signet qui devint plus tard bijoutier ; William Dunbar, écrivain au signet ; Smellie, l'imprimeur de Burns , auteur d'une Philosophie de V Histoire naturelle, un esprit original et fort, une de ces têtes écossaises, si solides, hérissées de cheveux grisonnants ; William Nicol, professeur de latin à la High School, un homme qui, en vigueur d'intelligence, en impétuosité de passion à la fois déréglée et généreuse, ressemblait à Burns, et qui , pour son habileté et sa facilité en composition latine, était peut-être sans rival en Europe , mais dont les vertus et le génie furent obscurcis par des habitudes d'excès bachiques. Il y avait aussi un des collègues de Nicol nommé Cruikshank. Burns fut enrôlé parmi les Crochallans. Presque tous devinrent ses amis et, de toutes ses connaissances d'Edim- bourg , les noms qui reparaissent le plus souvent et persistent le plus longtemps dans sa correspondance sont ceux des habitués de la taverne de Dawney Douglas.
C'était une bonne fortune aux Crochallans quand Burns y apparaissait, et plus d'un soir, en sortant des salons, il dut venir s'y reposer de leur contrainte. On accueillait son entrée d'applaudissements, on lui faisait place , on s'apprêtait à l'écouter. Ces murs enfumés eurent assuré- ment le meillenr du génie qu'il dépensa à Edimbourg. Il fut là plus spirituel et plus éloquent qu'ailleurs. Sa verve y était plus libre et plus fougueuse ; son esprit se déployait plus franchement, s'échauffait, s'enflammait. Ses auditeurs le comprenaient mieux, le fêtaient, riaient plus bruyamment de ses mots, n'étaient pas offensés par une idée hardie ou par une expression leste. Au contraire, les rires augmentaient avec la vivacité des images et des termes. Il se grisait de ce bruit ; chacune de ses saillies partait de l'endroit oii ils avaient applaudi la dernière et allait plus loin. Le choc des verres, les chansons, les refrains repris en chœur, les bravos, l'excitaient ; une pointe d'ivresse venait. Les dernières heures de la soirée passaient rapidement et celles de la nuit passaient inaperçues. Parfois même, lorsqu'on sortait, l'ombre était encore au pied des maisons et dans les ruelles , mais déjà « le matin de ses jolis sourires pourpres baisait le coq aérien de St-Giles. »
C'était une vie qui n'allait pas sans ses détériorations et ses dan- gers, car les choses n'en restaient pas toujours là. Parfois l'ivresse devenait