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froncer le sourcil et hausser impatiemment les épaules dans toutes ces excuses qui tournaient à la réprimande. Mais la fin était faite pour lui aller droit au cœur. Mackenzie parlait de lui en homme qui sait respecter et saluer la dignité d'àme partout oii elle se trouve, mettant toute son autorité au service de sa sympathie.

Burns possède la fierté aussi bien que la fauUisie d'un poète Cet orgueil honnête et cette indf'pi'ndance d'âme qui sont parfois !a seule ricliesse de !a muse, éclatent à toute occasion dans ses ouvrages. Il peut se faire, par conséquent, que je blesse ses sentiments tout en satisfaisant les miens, lorsque j'appelle l'attention du public sur sa situation et sur sa fortune. Cette condition, tout humble qu'elle fût, dans laquelle il avait trouvé le contentement et courtisé la muse, aurait pu ne pas lui sembler pénible, mais le chagrin et les malheurs l'y atteignirent. Un ou deux de ses poèmes font allusion à ce que j'ai appris de quelques-uns de ses compatriotes, qu'il avait été contraint de former la résolution de quitter son pays natal, pour chercher sous le ciel des Indes occidentales l'abri et le soutien que l'Ecosse lui avait refusés. Mais j'espère qu'on saura trouver les moyens d'empêcher cette résolution de se réaliser ; j'espère que je rends simplement justice à mon pays en le supposant tout disposé à tendre la main pour secourir et retenir son poète natif, dont n les'chants silvestres et sauvages » possèdent une telle excellence. Réparer les injustices faites au mérite souffrant et ignoré ; faire sortir le génie de l'obscurité où il a langui avec indignation, et l'élever à la place où il peut profiter et plaire au monde ; ce sont des efforts qui donnent à la richesse un privilège enviable, à la grandeur et à la protection un légitime orgueil '.

C'était bravement dit ! Cet appel au pays, si plein de délicatesse et cependant d'accent, était le vrai de la situation et eût été la seule résolu- tion digne de l'Ecosse etsecourable au poète dont elle se glorifie désor- mais. C'était, de la part de Mackenzie, une bonne action. Lockhart a excellemment remarqué qu'elle fait honneur à sa clairvoyance et à son courage, et aussi pourquoi : « quoique ses propres productions fussent dis- tinguées par tous les raffinements de l'art classique, M. Henry Mackenzie était, heureusement pour Burns, un homme d'un esprit aussi libéral que son goût était poli, et lui, dont les pages contiendront toujours quelques- uns des meilleurs modèles d'élégance travaillée, fut parmi les premiers à sentir que le laboureur d'Ayrshire appartenait à cette classe d'êtres dont c'est le privilège d'atteindre les grâces « au delà de la portée de l'art ». Il fut le premier à risquer sa propre réputation en le déclarant publi- quement ^. »

Cet article de Mackenzie, c'était la célébrité, le soir même à Edimbourg, deux jours après en Ecosse, une semaine après en Angleterre, parmi les lettrés qui lisaient le Loungcr. Burns entra, toutes portes ouvertes, dans la haute société nobiliaire et littéraire d'Edimbourg.

1 L'article de Ma'jkenzie a pour titre : ExlraonUniry Accounl of Hoberl Burns, llie Ayrshire Plo-ghman, wiih Extrads fram h's Pocms.

- Lockhart. Life of Burns^ p. 105. — Voir aussi sur la conduite de Mackenzie quelques lignes justes de Gillillau. Life of Burns, p. xxxv.