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et commentaient le 9 Décembre 1796, moins de quinze jours après l'arrivée de Burns.

Pour les personnes sensibles el capables de comprendre, il y a quelque chose de merveilleusement agréable dans la contemplalion du génie, de cette portée transcen- dante d'esprit qui distingue certains hommes. Dans la vue de talents tout à fait supérieurs, comme dans celle dos grands et étonnants objets de la nature, il y a une sublimité qui remplit l'âme d'admiration et d'aise, qui la dilate, pour ainsi parler, au delà de ses limites ordinaires, et qui, revêtant notre nature d'une puissance extraordinaire et d'extraordinaires honneurs, intéresse notre curiosité et flatte notre orgueil. . . Dans la découverte de talents généralement inconnus, nous sommes souvent disposés à céder à une partialité excessive, comme dans toutes les découvertes que nous faisons ; et c'est à quoi nous devons tant d'exemples de peintres et de poètes qui, retirés de situations obscures par les éloges extravagants de leurs introducteurs, sont cependant bientôt retombés dans leur première obscurité; dont le mérite, bien que peut-être un peu négligé, n'a pas semblé avoir été tellement déprécié par le monde et n'a pas pu soutenir, par son excellence intrinsèque, la place supérieure que l'enthousiasme de ses patrons aurait voulu lui assigner.

Je ne sais si je serai accusé d'un enthousiasme et d'une partialité de ce genre, en présentant à l'attention de mes lecteurs un poète de notre pays, dont les écrits m'ont été récemment communiqués. Mais, si je ne me trompe pas grandement, je pense que je puis, en toute sûreté, déclarer que c'est un génie d'un rang peu ordinaire. La personne à laquelle je fais allusion est Robekt Burns, un laboureur d'Ayrshire, dont les poèmes furent, il y a quelque temps, publiés dans une petite ville de l'ouest de l'Ecosse, sans autre ambition, semble-t-il, que de les faire circuler parmi les habitants du comté où il est né, et d'obtenir un peu de renommée de la part de ceux qui avaient entendu parler de ses talents. J'espère qu'on ne considérera pas que j'ai trop de prétentions, si j'essaye de le placer à un point de vue plus haut, de réclamer le verdict de ses concitoyens sur le mérite de ses œuvres, et de revendiquer pour lui les honneurs que leur valeur semble mériter.

En mentionnant la circonstance de son humble condition, je n'ai pas la pensée de faire reposer ses prétentions seulement sur ce titre, ou de faire valoir les mérites de sa poésie, considérés par rapport à la bassesse de sa naissance et au peu d'opportunité de culture que son éducation pouvait lui fournir. A la vérité, ces détails pourraient exciter notre étonnenient devant ses productions ; mais sa poésie, considérée en soi el sans les causes qui résultent de sa situation, me semble tout à fait digne de dominer nos sentiments et d'obtenir nos applaudissements. Sa naissance et son éducation ont, à la vérité, opposé une barrière à sa renommée, c'est le langage dans le(iuel la plupart de ses poèmes sont écrits. Même en Ecosse, le dialecte provincial, que Ramsay et lui ont employé, se lit maintenant avec une difficulté qui refroidit le plaisir du lecteur : en Angleterre, on ne peut pas le lire du tout, sans avoir constam- ment recours à un glossaire, en sorte que le plaisir est presque détruit.

Quelques-unes de ses productions, spécialement celle d'un genre grave, sont presque anglaises. De l'une d'entre elles, j'offrirai d'abord à mes lecteurs un extrait, dans lequel je pense qu'il découvriront un ton élevé de sentiment, une puissance et une énergie d'expression qui sont particulièrement et fortement caractéristiques de l'esprit et de la voix d'un poète.

Il citait les strophes de la Vision dans lesquelles est racontée l'enfance de Burns, sans aller toutefois à celles si belles de la fin. Puis il conti- nuait en termes du plus haut éloge : « De chants comme celui-là ,