Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/192

Cette page n’a pas encore été corrigée

— 181 —

Et tout à côté, le fameux château de Holyrood, le théâtre de tant de mariages royaux, de masques, de tournois, de fêtes, de funérailles et de forfaits. C'est là qu'a débarqué la perle de sa race, Marie Stuart, quand elle descendit, l'âme navrée, de la galère qui l'amenait du pays de France. C'est là qu'elle vécut trois ans, portant « son grand deuil blanc avec lequel il faisait très beau la voir, car la blancheur de son visage contendait avec la blancheur de son voile à qui l'emporterait, et la neige de son blanc visage effaçait l'autre ^ . » C'est là qu'elle commença à régner sagement, tandis que cependant on pouvait sentir que la reine était inca- pable d'empêcher la femme d'exercer son charme sur les hommes qui l'entouraient. C'est là que, dans un emportement de passion sensuelle 2, elle épousa Darnley. Ce fut l'origine de ses malheurs. Voilà la tourelle, oti le 9 mars 1566, tandis qu'elle soupait avec Rizzio, la tapisserie, qui repré- sentait la chute de Phaéton, l'ambitieux imprudent ^, se soulevant tout à coup, laissa voir la tête hagarde et féroce de Ruthven le chef des conjurés ; c'est dans cette salle que Rizzio tomba frappé du premier coup de dague, tandis que ses mains s'accrochaient aux jupes de la reine et qu'il criait : « Giustizia ! sauve ma vie, madame, sauve ma vie » ; et là aussi est dans le parquet la tache de sang qui en fit couler tant d'autre. Car à partir de celte horrible scène, le cœur de Marie Stuart ne souhaita plus que la ven- geance*. Et le souvenir de l'enchanteresse qui trouble et séduit l'histoire entraîne la pensée. Autour de l'image de la plus étrange charmeuse qui, avec Cléopâtre et Brunehaut, ait occupé un trône, surgissent les figures de Darnley, de Ruthven, de Morton, de Bothwell, ces vies excessives en amour et en haine, fougueusement animales, oii les convoitises et les colères se précipitaient sur leurs objets, destinées somptueuses et san- glantes, toutes, toutes, sanglantes. Et derrière cette tragédie de Holyrood, on ne peut s'empêcher d'entrevoir l'assassinat de Craigmillar, l'empri- sonnement du lac de Lochleven et la scène funèbre et sublime de Fotheringay 5.

Dominés par celui d'entre eux qui a été au cœur de l'humanité, tous ces drames s'emparent de l'esprit et l'émeuvent jusqu'à le rendre vision- naire. Si, poursuivant un peu plus avant, on gravit les premières pentes du siège d'Arthur jusqu'aux décombres de la chapelle de St-Antoine, on aperçoit, dans ses fumées et ses vapeurs, la puissante cité, sous son habituel dais d'un rouge sombre. Il semble que ce sont tous ces souvenirs tragiques

1 Brantôme. Vie des Dames Illustres. Marie Sluarl, Reyne d'Ecosse.

2 Mignet. Marie Sluarl, tome I, chap. m, p. J61. — Hill Burton , tome IV, chap. XLlll, p. 105.

3 Old and New Edinburgh^ tome II, chap. x, p. 66.

4 Mignet. Marie Sluarl. chap. iv à la fin. — Hill Burton, tome IV, chap. XLiii, p. 145 et suivantes.

^ Voir l'admirable et poignant récit de cette scène, par Mignet. Marie Sluart, chap. x.