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Cet échec fut une déception pour Burns qui avait peut-être vu, dans une seconde édition, le moyen de reculer ou d'éviter son départ. Son esprit y fut forcément ramené et plus que jamais il se crut sur le point de quitter son pays. En revenant d'une visite qu'il avait faiteàM'"Lawrie, probablement pour le remercier, « je composai, dit-il, la dernière chanson que je devais écrire en Calédonie ». Son esprit était assombri et la des- cription des circonstances dans lesquelles il avait fait ce suprême adieu est peut-être plus frappante que le poème lui-même : « Il avait pris congé de la famille du D"^ Lawrie, après une visite qu'il pensait être la dernière, et pour s'en retourner chez lui, il avait à traverser une vaste étendue de moors solitaires. Son esprit était fortement affecté de quitter pour toujours une scène oîi il avait goûté tant de plaisirs d'une sociabilité élégante, et attristé par l'aspect sombre de son avenir qui faisait un contraste. L'aspect de la nature était en harmonie avec ses sentiments ; c'était un soir sombre et lourd à la fin de l'automne. Le vent s'était levé et sifflait à travers les roseaux et les longues herbes qu'il faisait plier. Les nuages couraient chassés dans le ciel, et par intervalles, de froides averses cinglantes ajoutaient le découfort du corps à la tristesse de l'âme'. » C'est dans cet état d'àme qu'il composa ces derniers vers :

La nuit ténébreuse s'épaissit rapidement,

La rafale sauvage et inconstante rugit bruyammeul,

Ce nuage sombre est chargé de pluie ,

Je le vois passer sur la plaine ;

Le chasseur a quitté le moor,

Les couvées éparpillées se retrouvent en sûreté,

Tandis que j'erre ici, pressé de souci,

Sur les bords solitaires de l'Ayr.

L'automne pleure son grain mûrissant

Arraché par le ravage de l'hiver ;

A travers son ciel azuré et tranquille

Elle voit passer la tempête ;

Mon sang est glacé de l'entendre mugir,

Je pense à la vague orageuse

Sur laquelle je dois affronter maint danger.

Loin des bords jolis de l'Ayr.

Ce n'est pas le rugissement de la houle soulevée,

Ce n'est pas ce rivage fatal et mortel,

Bien que la morl y apparaisse sous toutes les formes.

Les malheureux n'ont plus rien à redouter ;

Mais autour de mon cœur des liens sont noués,

El ce cœur est percé de maintes blessures,

Celles-ci saignent de nouveau, je déchire ces liens,

Quand je quitte les jolis bords de l'Ayr.

1 Walker, p. LXXil.