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passaient par les même phases que lui , pour arriver à la même admiration :

» Je classais le laboureur poétique avec les fllles de ferme el les batteurs en grange poétiques de l'Angleterre, pour les productions de qui je n'avais pas une violente admiration. Ainsi préparé, les poèmes furent mis entre mes mains, et avant d'avoir achevé une page, j'éprouvai des émotions de surprise et de plaisir dont je n'avais jamais eu conscience auparavant. Le langage que j'avais commencé à dédaigner, comme bon seulement pour les conversations vulgaires, semblait transformé par le charme du génie et être devenu le langage propre de la poésie. Il exprimait toutes les idées avec une brièveté et une force , il se pliait à tous les sujets avec une sou- plesse qui manquent parfois aux langages les plus parfaits. A chaque page , on voyait l'empreinte du génie. Tout était touché par une main d'une dextérité si étonnante qu'elle semblait remplir ses fonctions les plus faciles et les plus familières, quand elle accomplissait ce que toute autre aurait tenté en vain. Je ne quittai pas le volume avant de l'avoir achevé, et je ne puis pas me rappeler de moments qui aient passé plus rapidement que les heures où je fus ainsi occupé. Un désir de voir l'homme qui avait le pouvoir de produire de tels effets succéda naturellement i •>.

Tous étaient ainsi gagnés, séduits, enveloppés par ce charme qui courait le pays ; il semblait que c'en fût véritablement un. Une vieille dame des environs, descendante de Vallace, Mrs Dunlop, venait d'être affligée d'une longue et cruelle maladie qui l'avait réduite à un état d'assombrissement et de découragement. Un volume des poèmes fut laissé sur sa table par un de ses amis. Elle l'ouvrit et tomba sur le Samedi soir du Villageois. Elle le lut avec la plus grande surprise et le plus grand plaisir. « La description des simples villageois opéra sur son esprit comme le charme d'un puissant exorciste, chassa le démon ennui et la rendit à son harmonie et à sa bonne humeur ordinaires ». Mrs Dunlop envoya aussitôt un messager à Mossgiel , qui était à une distance de 15 à 16 milles, avec une lettre flatteuse pour Burus, lui demandant de lui envoyer une demi-douzaine de ses exem- plaires et de lui faire le plaisir de venir la voir à Dunlop-House, aussitôt qu'il le pourrait. Ce fut le commencement d'une amitié et d'une correspondance qui ne finirent qu'avec la vie du poète. Le dernier emploi qu'il ait fait de sa plume fut une lettre à Mrs Dunlop, quelques jours avant sa mort ^.

Les avances les plus flatteuses lui venaient de tous côtés et des hommes les plus éminents. Dugald Stewart, le célèbre professeur de philosophie à l'Université d'Edimbourg et un des hommes les plus accomplis de son temps, qui passait ses vacances dans la villa de Catrine, sur les bords de l'Ayr, pria le D' Mackenzie, le docteur de Mauchline, un de ses amis, de lui amener le poète à dîner. Celui-ci y rencontra

1 Walker. Life oj Burns, p. lxviii.

2 Gilberl's Narrative. — 1^. Chambers, tom. I, p. 333.