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lui qui inspira ses plus hauts efforts de spiritualité. La douce fille des Hautes-Terres aux yeux azurés fut sa Béatrice et lui fit signe du bord du ciel.

IV.

LA RENOMMEE SOUDAINE. — DEPART POUR EDIMBOURG.

Cependant, le volume de Kilmarnock avait un succès prodigieux. Il s'était enlevé si vite qu'il n'en était pas resté un exemplaire pour la pauvre ferme de Mossgiel, et que la mère, les frères et les sœurs deBurns n'eurent ses œuvres imprimées que dans l'édition d'Edimbourg^. La renommée de l'humble volume de Kilmarnock grandissait et , dépassant les limites de l'Ayrshire, se répandait à travers le pays entier. On se prêtait ces poèmes étonnants ; de tous côtés, on les récitait, on les chantait. Les gens du peuple, les paysans, avaient pour la première fois un grand poète qui rendait , dans leur propre langue, leurs propres sentiments. C'était un enthousiasme presque incroyable et tel qu'on aime à le laisser exprimer par ceux qui l'ont connu. « La tille de ferme chantait ses chansons, dit AUan Cunningham, le laboureur et les bergers répétaient ses poésies, tandis que les vieux et les prudents citaient ses vers dans la conversation, heureux de trouver que des choses de fantaisie pouvaient être rendues utiles. Mon père qui aimait la poésie emprunta le volume à un clergyman caméronien qui, en le lui prêtant, y ajouta ce remarquable conseil : « Ne le laissez pas sur le chentin des enfants, John, de peur de les attraper comme j'ai attrapé les miens, à le lire le jour du Sabbath. 2» Robert Héron raconte que, dans le Kirkcudbrightshire oii il était alors, il est presque impossible d'exprimer avec quelle admira- tion fervente et quelles délices ces poèmes furent reçus. Jeunes et vieux étaient également ravis, agités et transportés. Lui-même obtint le livre un soir, et ne dormit point qu'il ne l'eût achevé. « Même les garçons de charrue et les servantes auraient été heureux de donner les gages qu'ils gagnaient très durement et dont ils avaient besoin pour acheter leurs vêtements, s'ils avaient pu se procurer les œuvres de Burns^. » La contrée entière résonnait de son nom. Et ce n'étaient pas seulement les paysans ; les gens cultivés et instruits étaient également saisis par cette contagion d'admiration pour l'homme et la langue. La plupart d'entre eux, sans doute, commençaient avec la méfiance de Walker et

1 Scott Douglas, tome IV, p. 139.

2 AUan Cunningham, Life of Durns, p. 86. s Robert Héron, Life of Burns, p. 433.