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dimanche de mai? En quittant l'Ayrshire, elle était allée dans la presqu'île de Cantyre, qui forme la pointe méridionale du comté d'Argyle. Son père était matelot à bord d'un cutter des douanes, dont la station était dans la petite ville maritime de Campbeltowu. C'est là que vivait sa famille. Elle passa l'été au milieu des siens, recevant probablement des lettres de Burns, mais sans prendre, à ce qu'il paraît, aucune mesure pour son union avec lui. Peut-être n'en parlait-il plus. Elle accepta l'offre qui lui fut faite, par un de ses parents, d'une place à Glasgow pour le terme de la St-Martin. Elle arriva à Greenock avec son père et un frère qu'on venait mettre en apprentissage chez un charpentier de navire nommé Macpherson, cousin de sa mère. A peine arrivé le jeune garçon tomba malade. Mary le soigna avec dévouement et tendresse ; mais quand il commença à aller mieux, elle-même sembla languir. Ses amis, superstitieux comme des Highlanders, crurent qu'on lui avait jeté le mauvais œil, et peut-être peut-on voir là un indice que sa tristesse et sa pâleur remontaient à quelque temps. Il fallait du moins que ce dépérissement leur parût inexplicable. Ils conseillèrent à son père d'aller à l'endroit oii deux ruisseaux se rencontrent et de choisir dans leur lit sept cailloux polis, de les faire bouillir dans du lait nouveau et de le lui donner à boire. Ce n'était pas là le charme qui pouvait la guérir ; elle souffrait de quelque chose de trop profond. Après quelques jours, elle fut enlevée par une fièvre maligne qui régnait. Elle fut enterrée dans un terrain que Macpherson venait d'acheter, à l'extrémité du vieux cimetière de Greenock, sur le bord de la Clyde, loin des siens, abandonnée dans la grande ville fumante ; telle fut la fin de l'épisode de ce second dimanche de mai. Quelques personnes, à qui la destinée de cette douce fille a paru pure et touchante, lui ont élevé un monu- ment qui abrite sa tombe des rayons du soleil couchant, quand il s'abaisse au delà du « rugissement de l'Atlantique ». Les steamers qui sortent de la Clyde passent tout auprès. Une des dernières choses que voient les Écossais, qui quittent le pays en emportant, à travers le monde, les vers de leur poète national, est la pierre oii sont sculptés les adieux de Burns et de Mary Campbell.

Burns en apprenant la nouvelle de Greenock reçut un coup terrible. Mrs Begg se rappelait qu'après le travail de la moisson achevée, elle était un jour à son rouet, avec sa mère ou une de ses sœurs qui l'aidaient. Les deux frères étaient là aussi. On apporta une lettre pour Robert. Il alla à la fenêtre pour l'ouvrir et la lire, et elle fut frappée de l'expression d'angoisse qui passa sur son visage. Il sortit sans dire un mot. Ce fut plus tard seulement que sa famille apprit cette histoire qui resta toujours comme un sujet sacré dont on ne devait pas parler 2.

- 1 R. Ghambere, tom. I, p. 321-32J. 2 R. Chambers, tom. I, p. 324.