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fréquemment de mon sentier, du peur de troubler leurs petites chansons ou de les faire s'envoler ailleurs en les effrayant. Sûrement, me disais-je, celui-là est un vrai misérable qui, insoucieux de vos harmonieux efforts pour lui plaire, peut suivre de l'œil vos détours, afin de découvrir vos retraites cachées et vous dépouiller de tous les biens que la nature vous a donnés : vos plus chers trésors, vos faibles petits. Même la branche d'aubépine blanche qui se mettait en travers du chemin, quel coeur, en un pareil moment, pouvait s'empêcher de s'intéresser à son bonheur et de souhaiter qu'elle fût préservée du bétail à la dent rude ou du souffle meurtrier de l'est? Telle était la scène et telle était l'heure, quand, dans un coin du tableau, j'aperçus une des plus belles œuvres de la nature qui ait jamais couronné un paysage poétique ou ravi l'œil d'un poète, en exceptant ces bardes visionnaires, qui tiennent commerce avec des êtres aériens. Si la calomnie et la raillerie avaient passé par mon chemin, elles se seraient en ce moment réconciliées à jamais avec un tel objet. Quelle heure d'inspi- ration pour un poète ! Elle aurait élevé la simple et terne prose historique à la mé- taphore et au rhythme. La chanson fut le travail de mon retour à la maison et répond peut-être pauvrement à ce qu'on aurait pu attendre d'une pareille scène i.

C'était le soir, sous la rosée, les champs étaient verts,

A chaque brin d'herbe pendaient des perles ;

Le Zéphyr se jouait autour des fèves,

Et emportait avec lui leur parfum :

Dans chaque vallon, le mauvis chantait.

Toute la Nature paraissait écouter.

Sauf là où les échos des bois verts résonnaient,

Parmi les pentes de Ballochmyle.

D'un pas négligent, j'avançais, j'errais.

Mon cœur se réjouissait de la joie de la nature,

Quand, rêvant dans une clairière solitaire,

J'entrevis, par hasard, une belle jeune fille :

Son regard était comme le regard du matin,

Son air comme le sourire vernal de la nature ;

La Perfection, en passant, murmurait :

i Regarde la fille de Ballochmyle. -^

Doux est le matin de mai fleuri,

Et douce est la nuit dans le tiède automne ,

Quand on erre dans le gai jardin

Ou qu'on s'égare sur la lande solitaire ;

Mais la femme est l'enfant chéri de la nature I

C'est là que celle-ci réunit tous ses charmes ; Mais même là, ses autres ouvrages sont éclipsés Par la jolie fille de Ballochmyle.

que ne fut-elle une fille de campagne !

Et moi, l'heureux gars des champs !

Quoique abrité sous le plus humble toit

Qui s'éleva jamais sur les plaines Écossaises !

Sous le vent et la pluie du morose hiver,

1 To Miss Wilhelmina Alexander, enclosing a song inspired by her charms, Mossgiel 18tli Nov. n86.