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tout oublier, par la moindre image qui mettait son imagination en jeu. Il y en a un exemple qui est curieux par les renseignements qu'il donne sur sa rapidité d'impression et par la renommée même de l'aventure. Il est curieux aussi parce qu'il complète le tableau de cette âme dont la soudaineté et la variété d'impressions est déconcertante et déroute les présomptions.

Un soir du mois de juillet, il se promenait dans le domaine de Ballochmyle qui venait d'être acheté par M. Alexander. Il suivait les pentes escarpées au bas desquelles coule la rivière à peine visible. C'était une de ses promenades favorites, qui l'avait déjà inspiré , quand il avait mis sur les lèvres de la fille du propriétaire précédent, forcé par des revers de fortune de vendre son domaine héréditaire, ce joli et triste adieu :

Les bois de Catrine étaient jaunis,

Les fleurs tombaient sous la pelouse de Catrine ;

Aucune alouette ne chantait sur les tertres verts ,

La nature apparaissait languissante ;

A travers les bosquets flétris, Maria chantait,

Elle-même dans toute la fleur de la beauté ;

Et les échos des bois sauvages résonnaient :

Adieu les pentes de Ballochmyle I

Couchées dans votre lit hibernal, ô fleurs,

Vous fleurirez de nouveau fraîches et belles.

Vous, oiselets, muets dans les bosquets dépouillés,

Vous charmerez de nouveau l'air de vos voix ,

Mais ici, hélas, pour moi, jamais plus

L'oiselet ne chantera ni la fleur ne sourira.

Adieu les jolies rives de l'Ayr,

Adieu, adieu, doux Ballochmyle 1 ^

Cette fois-ci il suivait une petite allée, quand il aperçut la sœur du propriétaire actuel, Miss Wilhelmine Alexander. Lui-même a décrit le tableau et raconté la scène, dans une lettre qui indique bien les splendeurs et en même temps les délicatesses de sensations qui passaient dans cette tête, pêle-mêle avec des choses brutales ou grossières. C'est du reste un riche morceau de prose descriptive, et qui donne une idée de la façon dont ce paysan écrivait :

i' J'avais erré an hasard dans les lieux préférés de ma muse, les bords de l'Ayr, pour contempler la nature dans toute la gaîté de l'année à son printemps. Le soleil flamboyait au-dessus des lointaines collines à l'ouest ; pas une haleine ne remuait les fleurs cramoisies qui s'ouvraient ou les feuilles vertes qui se déployaient. C'était un moment d'or pour un cœur poétique. J'écoutais les gazouil leurs emplumés qui répandaient leur harmonie de tous côtés, avec des égards de confrère ; et je sortais

1 Fariivell to Ballochinylc.