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il fut forcé d'en dire quelques mots, à propos des pièces qui portaient le nom de Highland Mary, il le fit d'une manière très vague ettrèsévasive. Il y fait allusion comme à un événement du temps passé : « le sujet est un des passages les plus intéressants de mes jours de jeunesse^ », ou « ceci est une de mes compositions du commencement de ma vie, avant que je fusse du tout connu dans le monde 2. » C'est, avec quelques mots cités plus loin, tout ce qu'il en laissa jamais échapper. Après sa mort, sa famille semble avoir désiré laisser dans l'ombre et l'oubli cet incident. Il est de toute évidence que, lorsque le D"" Currie prépara son édition de Burns, il reçut de Gilbert des confidences partielles à ce sujet, mais en même temps des recommandations de n'en point parler. C'est ce qu'impliquent les lignes suivantes : « Les rivages de l'Ayr furent la scène de passions de sa jeunesse, d'une nature encore plus tendre ; il ne conviendrait pas d'en révéler l'histoire quand bien même cela serait en notre pouvoir; on n'en pourra bientôt plus découvrir les traces que dans ces poèmes pleins de nature et de sensibilité auxquels elles ont donné naissance. On sait que la chanson institulée Mary des Hautes-Terres se rapporte à un de ces attachements. L'objet de cette passion mourut au début de la vie, et l'impression laissée sur l'esprit de Burns semble avoir été profonde et durable 3. » H s'en fallut de peu en effet — et cela eût peut-être été à souhaiter pour la mémoire de Robert Burns — que cette histoire passât comme un événement indistinct et secondaire. Aucun des biogra- phes du poète n'avait pris la peine d'en marquer ni la date, ni l'importance. M. Scott Douglas, avec beaucoup de pénétration et de patience, est parvenu à élucider ce point obscur, et le résultat de ses recherches a été une révélation imprévue et , par certains côtés , affligeante. Au moment même oii, le cœur saignant de la blessure faite par Jane, Burns poussait ces plaintes déchirantes, il est désormais certain qu'il aima ou crut aimer une autre femme et surtout qu'il se fit aimer d'elle*.

11 y avait, dans le domaine de Coilsfield, situé à quelque distance de

1 Leiler to Thomson. 14th Nov, 1792.

2 Remarks in an inlerlcaved copy of Johnson' s inuscum.

3 Currie. Life of Burns, p. 80.

'* Voir dans Scott Douglas, vol. IV, p. 120-130, et dans sou édition de Lockhart , p. 336-339, la suite de faits et de raisonnements par lesquels il a établi irréfutablement ce fait. Cette vague aventure flottait quelque part dans la jeunesse de Burns. Il l'a saisie et fixée à sa véritable date et dans ses vraies circonstances. Dans l'édition de Currie, que nous possédons et qui lui a appartenu, se trouve le premier soupçon de cette histoire et le cri de surprise qu'il lui arracha. Au bas de la colonne (p. 31) où se trouvent les vagues allusions de Currie, il a écrit : ^' Who can tell the date ? — Can il be possible that 1780 was the year? AVhen lie was under vows to Miss Armour ? Else what can be the raeaning of » 117// ye go lo lh>- Indies Mary ?!!! " Evidemment , ou saisit la la minute où , pour la première fois , la pensée qu'une pareille chose était possible traversa le cerveau de .Scott Douglas. On verra l'importance de cette découverte, à travers toute la vie de Burns.