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Et quelle chose |)liis faite pour taire naître de l'admiration et de la sympathie que de le voir composer? C'est pendant son travail, au milieu des corvées d'une ferme, en face des soucis qui commençaient à assaillir les deux frères comme ils avaient assailli le père, qu'il poursuit ses stro- phes. Il ne distrait pas une heure de son métier. Tantôt, c'est le soir, après avoir semé toute la journée et donné aux chevaux leur avoine pour la nuit qu'il se met à écrire, le corps hrisé. Sa pauvre muse, c'est-à-dire sa tête, lasse aussi, résiste, réclame un peu de sommeil. Il faut qu'elle obéisse.
Tandis que les vaches fraîchement vêlées beuglent au piquet,
Et que les chevaux fument à la charrue ou à la herse,
Sur le bord du crépuscule , je prends cette heure-ci,
Pour reconnaître que je suis débiteur
Du vieux Lapraik, au cœur honnête,
Pour sa bonne lettre.
Excédée, endolorie, les jambes lasses
D'avoir jeté du blé par dessus les sillons,
Ou distribué aux bidets
Leur picotin de dix heures,
Ma pauvre muse plaide tristement et demande
Que je n'écrive pas.
L'insouciante, la surmenée, la pauvrette
Est, en ses meilleurs jours, indolente et un peu paresseuse.
Elle me dit : » lu sais, nous avons été si occupés
Depuis un mois et davantage,
Qu'en vérité ma tète est tout étourdie
Et un peu endolorie. •>
Ses sottes excuses me mirent en colère :
^« Sur ma foi, dis-je, petite sotte , chipie,
.J'écrirai et j'écrirai un bon coup.
Cette nuit même.
Ainsi tâche de ne pas faire affront à notre métier
Et de rimer droit. »
Et j'ai pris mon papier en un clin d'œil.
Et crac ! ma plume plonge dans l'encre.
Je dis : « avant que je ferme l'œil.
Je fais vœu de finir ma lettre,
El si tu ne veux pas la tinter en cliquetis,
Par Jupiter, je l'écrirai en prose. «
Et ainsi j'ai commencé a barbouiller, mais si c'est
En vers ou en prose ou tous les deux ensemble ,
Ou quelque holch-potch qui n'est ni l'un ni l'autre,
On le verra plus lard ;
Mais du moins j'alignerai un bout de bavardage
Là, juste, sur le pouce i.
1 Second Epis lie to Lapraik.