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Que le cri gémissant du vent navré traverse,
Comme deux voix d’amants dont l’adieu s’entremêle.
Un mouton, égaré dans la lande, au loin bêle,
Il craint l’odeur du loup, il appelle le pâtre,
Qui se chauffe, oublieux de lui, devant son âtre
Où la soupe fumante occupe sa pensée.
J’irais le rechercher, si ma marche cassée
Pouvait comme autrefois se jouer de l’espace !
Pauvre bête ! au matin, on verra sa carcasse
Brisée au fond d’un creux, et sa toison rougie !
L’âge, hélas ! m’a soustrait mon ancienne énergie,
Il a pris, jour par jour, à mes muscles leur force,
Et de leur marbre lisse a fait cette âpre écorce.
Femme ! écoute ! on dirait que le bêlement cesse !
Peut-être que déjà le loup fauve dépèce
Le doux corps palpitant, en appelant sa louve !
Mais non ! Il bêle encore ! Ô Pan, fais qu’il retrouve
Ses frères quand à l’aube ils quitteront l’étable,
Pan, gardien des troupeaux ! Je prendrai, sur ma table,
La pomme la plus belle, et plein la main d’olives,
Et j’irai les porter, en offrandes votives,
Au pied de cette stèle, où, sortant de ta gaine,
Ta flûte entre tes mains, tu surveilles la plaine !