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Cerfs, daims, ours, sangliers qui, dans la nuit, arrivent
Manger ou mettre à mal le grain, et qui s’esquivent
Avant d’avoir tâté de la fourche ou l’épieu.
Pan ! si tu me secours, sois patient un peu,
Car je crains qu’il ne dise, à ton propos, des choses
Qu’il sera mieux d’ouïr les deux oreilles closes ;
J’ai peur que, pour un temps, ton autel soit privé
De gerbes et de fruits, et soit mal abreuvé
Du lait, du miel, du vin, dont il avait coutume.
Ne m’en conserve, ô dieu clément, nulle amertume ;
C’est moi qui te mettrai, quand tous sont assoupis,
Tes figues, tes raisins et tes bouquets d’épis.
Et quand j’aurai tout dit à la fraîche vannière,
Levant ses jeunes bras dans sa jeune prière,
Elle voudra suspendre à ton cou des pavots,
Des menthes, des bleuets et des coquelicots,
Pour m’avoir protégé de la peine cruelle
Que j’aurais encourue en m’occupant trop d’elle.
Et je n’ignore pas qu’avant tout autre don
Nul ne fait incliner plus volontiers ton front,
Nul n’allume en ton œil le regard qui pétille,
Autant que le présent qu’offre une belle fille,
Surtout quand tu peux voir, au fond des bras levés,
Deux seins par le corsage ouvert mal captivés.