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Je lui coupe l’oreille et j’appelle ; on accourt,
On m’acclame, on m’embrasse, on se range alentour,
Assez loin, tant la bête apparaît redoutable,
Sa tête encor féroce ensanglantant le sable ;
On croit la voir bouger. Seul, pour les rassurer,
Je marche vers le monstre et je vais lui tirer
L’oreille qui lui reste ; et les clameurs renaissent !
Sur les puissants rameaux qui sous son poids s’affaissent
On le traîne, on le charge ; il faut dix hommes forts
Pour l’emporter ; ils sont rendus, suant d’efforts,
Lorsque devant le seuil de la ferme ils le posent ;
Et sans nombre des brocs de vin joyeux arrosent
Mon triomphe sur l’ours ou sur le sanglier !
Mais ces gros maraudeurs semblent se méfier
Des champs que nous gardons, et l’on n’a pas mémoire
Qu’ils se soient hasardés sur notre territoire,
Tant ils savent nos blés de bons bras protégés.
Je n’ai pour ennemis que corbeaux et que geais !


Aussi, du cri du coq au cri de la chouette,
Que la journée est longue en la plaine muette !
Je tire mon pipeau : tous mes airs ramassés
Ne dépassent pas dix ; toujours recommencés,