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Il est vrai, j’ai mon arc et mon carquois aussi ;
Mais quand je tire, j’ai chaque fois le souci
De ne plus retrouver parmi les blés ma flèche.
Comment battre le champ, sans y faire une brèche ?
Et si le moissonneur en trouve une parfois,
Elle n’est plus qu’un vil et vain morceau de bois ;
Les pennes n’y sont plus, la pointe est écachée :
Nul n’est sûr de revoir la flèche décochée ;
Lorsque l’archer n’est pas parmi les plus adroits,
Sa place la plus sûre est encor le carquois.
D’ailleurs je veux garder ces armes en ressource
Suprême, si jamais arrivaient ou quelque ourse
Ou quelque sanglier pour ravager nos blés.
L’arc au bout de mon bras les aurait tôt criblés,
Malgré leurs durs boutoirs, ou les crocs de leur gueule,
Dans nos tirs villageois, j’atteins toujours la meule ;
Et l’on enrichirait le repas de moisson
D’un odoriférant quartier de venaison.
Je regarde souvent si j’en vois un descendre
Là bas, par le petit coteau, tout prêt à prendre
Mes flèches et mon arc. Ce serait vite fait !
Pas un seul de mes traits qui n’ait un sûr effet !
L’animal s’en hérisse en moins d’une minute ;
Il hésite, il vacille, il trébuche, il culbute ;