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On dirait que ma main les lance par les cieux ;
Il ne demeure pas un seul audacieux
Pour attendre l’instant où je lâche la corde ;
Aussi vite le champ est libre de la horde
Que si l’ombre y passait des ailes d’un gerfaut.
Je n’en ai pas encor tué, mais peu s’en faut !
Et quelque jour l’un d’eux rencontrera ma pierre ;
Et celui-là viendra gonfler ma gibecière,
Quand même il tomberait au beau milieu des blés.
Ces maudits oiselets sont toujours rassemblés
Sur le côté du champ où je ne puis pas être ;
J’ai beau courir, sitôt qu’ils me voient apparaître,
Ils s’en vont vers l’endroit que je viens de quitter ;
Et je les vois, de loin, se jouer, voleter,
Picorer un épi, se poser sur un autre,
Discerner le froment sans dédaigner l’épeautre,
Se becqueter entre eux quand ils sont satisfaits.
Lorsque, courbé, je viens le long des blés épais,
L’un donne le signal : ils ont des sentinelles ;
Et les voilà partis moqueurs, battant des ailes.
Ils traversent le champ dont, moi, je fais le tour :
Il faudrait leur donner pour gardien un autour.
Ah ! ces maudits ramiers aux gorges toujours pleines !
Ils mangent chaque jour, chacun son poids de graines !