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Et brille en débordant du long canal de bois,
Sans que son âpre soif en profite une fois !
Viens le toucher ! sens-tu comme le soleil darde ?
Contemple de quel œil douloureux il regarde,
Sans cesser un instant son pas soumis et las,
Ce flot qu’il fait monter mais dont il ne boit pas !
De ses tours journaliers as-tu compté le nombre ?
Fais que chacun, du moins, passe dans un peu d’ombre,
Ou plutôt que leur cercle entier soit ombragé ;
Que l’humble serviteur, des rayons protégé,
Croyant longer toujours un chemin de verdure,
Trouve le jour moins long et sa peine moins dure !
Réfléchis que c’est lui, que c’est son pas égal
Qui te donne cette eau, pareille à du cristal,
Qui remplit et paraît ne pas remplir ton verre,
Qui rafraîchit ton vin, et dont se désaltère
Ton potager fertile, et ce carré de fleurs
Dont ta compagne, ami, sait mêler les couleurs !
Prends donc pitié de lui ! Plante sur son manège
Un rang d’arbustes verts dont le dais le protège ;
Et, si tu n’en as point, j’apporterai demain
Quelques pieds de laurier, d’arbouse et de fusain.