Page:Angellier - Dans la lumière antique, Les Épisodes, p1, 1908.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Pourquoi le lourd collier devient brûlant aussi ;
Son grand œil résigné, toujours plein de souci,
Se charge de muet reproche et de détresse.
Il marche cependant ; mais sa tête s’abaisse,
Sous le fardeau de feu qui fait fléchir son col,
Plus basse de moment en moment, vers le sol.
L’âcre poussière emplit ses naseaux et sa bouche,
Sa langue se dessèche, et sa peau s’effarouche
Des insectes aigus aux milliers d’aiguillons :
Mouches, guêpes et taons, moustiques et frelons,
Viennent de tous côtés vers sa prison ouverte ;
Leur affreux tourbillon, semble-t-il, se concerte
Pour assiéger ses yeux d’un brouillard bourdonnant,
Le sachant entravé par le long bras tournant.
Pour se défendre, il n’a que son frisson de fièvre,
L’émoi de son oreille, et le pli de sa lèvre ;
Pas un bout de branchage amical et tremblant
Qui chasse leur nuée en lui frôlant le flanc.
Songe, ami, que durant la longue canicule,
Sous l’essaim qui le pique et le ciel qui le brûle,
De la première brume ardente du matin
À la chaude buée où meurt le soir éteint,
Il écoute le bruit de la belle eau limpide,
Froide du puits obscur, qui se verse et se vide