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» Tu te reposeras à l’ombre d’une yeuse,
» Et peut-être, un instant, l’abeille chuchoteuse
» Te fermera les yeux d’un bienfaisant sommeil ;
» Tu te retrouveras plus fort à ton réveil. »
Tandis qu’il dormira soustrait à sa misère,
Fais autant de sillons que tu pourras en faire,
Sans maltraiter son vieux compagnon de travail.
Mais le laissant souffler si tu vois son poitrail
Haleter quand il faut retourner la charrue ;
Fais pénétrer le coutre en la terre fendue,
Et sur la double oreille appuye avec vigueur,
Afin que tes sillons aient plus de profondeur,
Et qu’un grain plus épais et plus pesant y germe,
Pour compenser un peu ceux que sa main moins ferme
Avec peine a tracés étroits et peu profonds,
Et pour que ton passage y reste en traits féconds.
Lorsque se réveillant le vieillard, comme en rêve,
Verra de plus nombreux sillons, et que la trêve
Qui vient d’être accordée à son corps moins lassé
N’a point interrompu le travail commencé,
Lorsque, s’en revenant reprendre sa charrue,
Il voudra te bénir de sa main étendue,
En te disant « Ô fils, te protègent les Dieux,
» Toi qui me prêtas aide à moi chétif et vieux ! ».