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Tant de milliers de fronts que calmait le sommeil,
Dès qu’ils seront touchés du premier trait vermeil,
En même temps que vont se réveiller les ruches,
Vont s’emplir de projets, d’ambitions, d’embûches ;
Les pleurs que le sommeil gardait sous les yeux clos
Sur les traits anxieux vont recouler à flots ;
Les coins pacifiés et détendus des bouches
Font reprendre leurs plis angoissés ou farouches,
Et le jour redoutable, entrant dans les regards,
Y mettra des reflets douloureux et hagards ;
Grâce à lui le candide azur des yeux perfides
Va retrouver sa force ; et les lèvres splendides
Redeviendront l’appât et l’instrument de cœurs
Dont les ombres avaient aboli les noirceurs ;
Partout va s’éveiller l’immense émoi du monde,
Et le gémissement de souffrance qui gronde
Sur l’ahan de labeurs dont il semble sortir ;
L’homme va, de nouveau, convoiter et haïr.


Aussi l’Aurore hésite à soulever ses voiles,
Et, laissant s’attarder la clarté des étoiles,
Garde sa lampe d’or sous son manteau pourpré !
Lentement, à la fin, elle l’ouvre à regret.