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Qui traînent lourdement le dur destin humain,
Laissant les pleurs d’hier pour les pleurs de demain,
Par la trêve nocturne un instant soulagées,
Reprennent leur fatigue et leur peine, infligées
Par le resplendissant et l’inclément retour
Du premier des rayons qui proclament le jour.
C’est le commandement, le signal implacable
Qui ramène le Monde au fardeau qui l’accable.
Tant de milliers de corps qui goûtaient le repos,
Dans les cités, les champs, les bois, le long des flots,
Se lèvent, fatigués, pour reprendre leur tâche ;
Les bras vont ressaisir les lourds outils, la hache,
La rame, le marteau, le hoyau, le métier ;
Les cous vont se gonfler, les reins vont se ployer,
La sueur va mouiller les fronts et les poitrines,
Du sommet clair des monts au fond obscur des mines ;
Et les mains s’étendront pour demander leur pain,
Puisqu’avec le réveil revient aussi la faim.
Tant de membres meurtris qui dormaient sur leurs claies
Vont sentir s’aviver et s’enflammer leurs plaies,
Alors que la nuit calme et tendre avait posé
Les huiles de l’oubli sur leur mal apaisé ;
Dans les chairs et les os, le feu des maladies
Va s’animer soudain en secrets incendies ;