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Il offre un pan d’ombrage au voyageur errant,
Et plus tard, il fournit un bois solide et franc.


Car il m apparaît vrai, maître, que ceux-là même
Qui connurent le plus les angoisses que sème
Le geste de l’Amour redoutable, sont ceux
Qui nourrissent le monde, où tout est oublieux.
De sagesse refaite à chaque chute d’hommes,
Quand viennent les hivers des feuilles que nous sommes.
Par eux, dans ce départ d’êtres toujours glissant,
La sagesse transmise et qui s’use en passant
De ceux qui l’ont trouvée à ceux qui la reçoivent,
Est sans cesse reprise et créée ; ils la boivent
Au flot que l’actuel chagrin fait sourdre en eux ;
El c’est aussi la source où burent les aïeux !
Leur voix rend leur accent aux préceptes antiques,
Leurs pleurs lavent la rouille aux vieux airains stoïques ;
Les autres ont appris la sagesse ; ils la font,
Quand sur leurs souvenirs ils inclinent leur front,
Et que leur passé monte à leur regard tranquille.
Eux-mêmes sont la gerbe et tiennent la faucille,
Moissonneurs tout ensemble et moisson du tourment,
Le pain de la sagesse est fait de leur froment.